VII. LA MISE AU LINCEUL. HILAREN BEZTITZEA
Quand la mort se produit en milieu urbain, il existe une série de dispositifs qui accélèrent le traitement du défunt. Dans ce milieu, ce sont les employés des pompes funèbres qui se chargent de préparer le cadavre pour son exposition et d'offrir et aménager l'espace (funérarium) où la famille va recevoir parents et amis. L'objectif est de faciliter à la famille la traversée de ces moments difficiles en transformant le décès en quelque chose de rationnel et aseptiquement contrôlé.
Face à ces actions « normalisées », quand la mort survient en milieu rural, le comportement est plus traditionnel et dans une bonne mesure les gens répètent des attitudes propres aux sociétés pré-industrielles telles que celles que nous avons enregistrées prioritairement par le biais de nos enquêtes et de la bibliographie.
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Le décès et l'acte de fermer les yeux
Une fois qu'a été constatée la mort d'un parent par les procédés habituels, comme passer une bougie devant ses yeux, passer sous son nez une allumette allumée, voir s'il respire en plaçant un miroir devant sa bouche ou lui toucher les pieds, une série de ressorts se déclenchent qui, habituellement, ne sont pas visibles et qui se montrent efficaces à des moments aussi critiques que celui-ci.
Dans la société traditionnelle basque, après le décès, les actions s'enchaînent presque mécaniquement. On vérifie qu'effectivement le malade est maintenant un cadavre et l'une des personnes présentes, normalement une femme, ferme les yeux du défunt « pour éviter qu'il n'en appelle un autre ».
Lavage et enveloppement dans le linceul
Dans la société basque, ce sont les voisins, auzokideak, qui se chargeaient de secourir la famille dans laquelle se produisait une mort. Actuellement, ils s'offrent dans de telles circonstances, mais timidement, « par respect et pour ne pas déranger ». Quand leur présence est demandée, personne ne se refuse.
En règle générale, ce sont les femmes qui enveloppent le corps dans le linceul. La première voisine demandait souvent l'aide d'un homme ou d'autres voisines pour le bouger et le préparer comme il se doit.
Actuellement, on peut dire que ce sont les familles qui font face aux tâches de mise au linceul avec l'aide des professionnels sanitaires ou funéraires, sans que pour autant le voisinage se retire si son aide est demandée.
Modes de laver le cadavre
En général, le lavage du cadavre était et reste sommaire ; il s'agit de nettoyer les parties du corps où les effets de l'agonie sont les plus visibles : visage, mains et pieds. Seulement dans les cas où, à cause d'une maladie ou pour tout autre motif, le malade s'est "taché" au dernier moment, libratzen danian (Azkaine-L), on lave complètement le cadavre, en général à l'eau et au savon.
En règle générale, on utilisait des serviettes ou des chiffons propres, zapiak, pour le lavage. Cette opération avait habituellement lieu par terre, sur un drap, tandis que les hommes disposaient une planche sur le lit ou démontaient celui-ci s'il le fallait pour installer la chapelle ardente.
Le tout, de même que la mise au linceul, devait être fait « à chaud », car sinon l'opération était très difficile.
Objets qui accompagnent le cadavre
Symboles pieux
Une fois que le cadavre a été dépouillé de toute parure personnelle, le linceul est complété par le rosaire, noué aux mains croisées sur la poitrine, accompagné parfois d'une croix. La coutume de placer le rosaire aux femmes et la croix aux hommes était relativement répandue.
Une autre coutume fréquente consistait à placer au défunt ou à la défunte le scapulaire ou une médaille de la congrégation ou de la confrérie à laquelle il ou elle avait appartenu dans sa vie. Les plus courants étaient les scapulaires du Carmen, du Tiers Ordre franciscain, les médailles des congréganistes mariaux et les rubans des Filles de Marie.
Bulles des défunts
En Vasconia péninsulaire, une grande importance religieuse était accordée autrefois à la « Bulle des défunts » que l'on pouvait se procurer dans toutes les églises, de même que la Bulle de Croisade[1]. En vertu de cette bulle, l'Église concédait une indulgence plénière en faveur de l'âme du défunt à laquelle elle s'appliquait. Pour cela, le donateur devait se confesser et communier avant huit jours.
En Bizkaia et au Gipuzkoa, c'était généralement la famille du défunt qui retirait les formulaires de bulle (sommaires) de l'église pour les déposer sur une petite table de la chambre mortuaire. Les personnes qui s'y rendaient pouvaient, si elles le voulaient, en prendre un et le déposer sur le cercueil en laissant sur un plateau l'argent correspondant qui était ensuite remis au curé. En Navarre, la famille achetait les bulles des défunts chez le curé et les donnaient directement aux responsables de fermer le cercueil pour qu'ils les placent en son intérieur.
Objets profanes
Outre les objets religieux mentionnés, s'il s'agissait d'une jeune fille ou d'un petit enfant, le corps était orné de fleurs, soit dans les mains, soit autour du corps, voire même comme une couronne sur la tête.
Herbes mises à brûler
L'antique coutume de brûler des herbes odorantes ou de nettoyer la chambre avec certaines herbes était liée à la présentation du cadavre dans la maison mortuaire.
Faire brûler du sucre pour éviter les mauvaises odeurs était très courant car ce produit était meilleur marché que l'encens.
- ↑ La Bulle de Croisade est un privilège papal concédé au XVIe siècle au Royaume d'Espagne. Elle était proclamée chaque année dans les églises et s'achetait pour une aumône proportionnelle aux ressources. Celui qui la prenait se rendait digne de diverses grâces et faveurs. Parmi ces dernières figuraient l'exemption de la loi générale de jeûne et abstinence et l'application d'une indulgence plénière en cas de mort. Ce dernier document était populairement appelé « Bulle des défunts ».