XX. LE DEUIL. DOLUA

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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Ce chapitre est consacré aux manifestations de deuil pendant la période de deuil, qui peut durer très longtemps. Tout le long de cette période, les parents directs du défunt, et en particulier ceux qui habitent au même domicile où celui-ci a vécu, sont soumis à une série de restrictions qu touchent à la fois leur vie sociale et leur comportement privé.

Ces restrictions limitent leur assistance aux bals, aux fêtes et aux lieux publics de divertissement ainsi qu'aux fêtes patronales, aux noces ou aux évènements de nature similaire.

Mais incontestablement la manifestation de deuil la plus évidente est le deuil dans la tenue vestimentaire, au point que cette période est indissociable du port de vêtements noirs.

Le deuil exige également à la famille toute une série de pratiques rituelles en rapport avec l'activation de la sépulture de l'église et les offrandes.

Durée du deuil

Si par deuil nous entendons l'ensemble des manifestations extérieures que la famille adopte après le décès, le temps de leur durée semble avoir été lié à celui des lumières allumées sur la sépulture de l'église. C'est ce qui a été constaté à Berganzo, Salcedo, San Román de San Millán (A), et à Getaria (G), où le deuil durait tant que les lumières restaient allumées sur la sépulture. La période de deuil, en ce qui concerne la tenue vestimentaire, était souvent bien plus longue.

Restrictions pendant le deuil

Assistance aux bals et aux fêtes

L'interdiction d'assister aux bals, fêtes et autres processions qui pèse sur les membres de la famille les plus proches du défunt pendant la période de deuil est générale absolument partout, mais sa durée a pu varier d'un village à un autre.

À Mélida (N), pour les femmes, elle durait de quatre à cinq ans, et parfois toute la vie. À Aria (N), le bal était interdit pour garçons et filles pendant deux ans. À Orozko (B) et à Zerain (G) jusqu'à la messe d'anniversaire. La période d'un an d'interdiction apparaît également à Amézaga de Zuya, Apodaca, Berganzo, Bernedo, Ribera Alta (A), Amezketa, Arrasate, Bidegoian (G) et Eugi (N).

Dans plusieurs endroits, il a été constaté que l'interdiction de danser durait plus longtemps que celle d'assister au bal.

Le deuil dans la tenue vestimentaire

La manifestation la plus évidente du deuil est le changement vestimentaire avec l'adoption de la couleur noire qui reflète la douleur de la perte.

La tenue de deuil est portée d'autant plus longtemps que la parenté avec le défunt est importante et si la parenté est la même, sa durée est plus longue chez les femmes. Le deuil est aussi souvent plus rigoureux pour les parents qui habitent dans la maison où s'est produit le décès et pour les personnes plus âgées.

Parfois, il concerne non seulement les parents du défunt, mais aussi les personnes qui, sans lien de parenté avec lui, font partie du groupe domestique. À Obanos (N), par exemple, les domestiques dans les maisons aisées portent aussi le deuil.

Marques de deuil à l'extérieur de la maison

Tentures

La coutume de suspendre des crêpes n'était pas limitée à la période comprise entre le décès et les funérailles, mais se prolongeait parfois jusqu'à certaines dates commémoratives.

À Obanos (N), parmi les tentures qui ornaient les balcons à l'occasion de la procession du Corpus, la demeure qui était en deuil ajoutait un crêpe noir au milieu. De même, dans ce même village, quand les attelages de chevaux étaient menés à l'église le jour de la Saint-Antoine, la maison en deuil ne leur mettait pas de grelots au collier ; certains croient se souvenir qu'on y suspendait quelque chose de noir, un trapico (un petit linge).

À Durango et à Gernika(B), le dimanche des Rameaux, les familles qui étaient en deuil attachaient un crêpe noir à la palme ou à la branche de laurier qui était portée à l'église. Après la procession, il était courant de la placer au balcon, avec le crêpe noir dans le cas des maisons endeuillées.

La coutume de signaler le deuil sur les tentures des balcons à l'occasion des processions solennelles a également été constatée à Zeanuri (B), Getaria (G), Allo, Aoiz, Mélida, San Martín de Unx, Sangüesa et Viana (N).

À Sangüesa (N), un autre signe de deuil consistait à placer à l'entrée de la maison, lors d'une procession publique, un banc avec des cierges allumés.

À Ezpeize-Undüreiñe et à Liginaga (Z), un crêpe ou un linge noir couvrait la croix confectionnée avec des épis de blé ou des fleurs qui se plaçait sur la porte d'entrée de la maison le jour de la Saint-Jean (24 juin). À Barkoxe (Z), ce même jour, la famille en deuil préparait une croix noire ou l'endeuillait en l'ornant de rubans violets.

Occultation des blasons

Un autre signe de deuil consistait à couvrir avec un linge noir les armoiries qu'arboraient certaines maisons. Ce linge restait là pendant la période de deuil, qui était de un an, ou jusqu'à ce que les intempéries le détériorent et qu'il finisse par se détacher. Dans les familles distinguées, pour souligner le lien du mort avec la maison, les armoiries étaient masquées, même lorsque le décès et les obsèques s'étaient produits en dehors de la localité.

Changements opérés dans le deuil

L'obligation de garder le deuil pour les défunts a commencé à disparaître dans les années soixante et à partir de cette date, et surtout au cours de la décennie suivante, la perte de cette coutume s'est généralisée, tant en ce qui concerne la tenue vestimentaire qu'en matière d'obligations à caractère religieux ou d'interdiction de participer à des fêtes, des bals ou des spectacles, d'aller dans les bars, etc.

Actuellement on assiste aux funérailles habillé en noir ou en demi-deuil, ou simplement avec des couleurs discrètes. Les hommes, dans certains cas, portent une cravate noire.

Les signes de deuil sur les vêtements se sont atténués au cours des trente dernières années, à partir des années soixante. Il reste encore quelques personnes qui s'habillent entièrement en noir pour la mort d'un être cher, mais ces cas sont plutôt exceptionnels. Par ailleurs, l'usage même du noir pour les vêtements est en voie de perdre sa connotation ancienne de signe de deuil.