XIII. L'ENTRÉE AU DOMICILE CONJUGAL. ETXE-SARTZEA

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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L'arreo et le char de noce. Eztai­gurdia

Dans la zone hispanophone, le nom traditionnellement donné à la dot était arreo, et arreoa, avec diverses variantes phonétiques, dans la zone bascophone. En Vasconia continentale, on utilisait le terme de hatuka et à Liginaga (Z), de truzoa (fr. trousseau). Le transfert de la dot à la nouvelle demeure était appelé arreoa eroatea à Bermeo (B) et dot-arreoa ou arreotea à Markina (B), le rite de l'entrée dans la maison, etxe-sartzea (Donoztiri­BN) et le jour où elle se produisait, hatukako eguna (Liginaga-Z).

Les informateurs d'Artziniega (A) font une distinction entre arreo et dot. Pour eux, l'arreo consistait en ce qu'apportait la femme au ménage et qu'elle avait préparé de ses propres mains, à la différence de la dot ou ensemble d'argent liquide, de bétail, de maisons parfois, etc. (« joyaux »), qu'apportaient les familles des deux époux. Parmi les biens qu'apportait la femme au mariage, on trouvait généralement des draps, des couvertures, du linge de table et autres serviettes, mais parfois aussi des couverts et d’autres équipements du foyer comme les lits, avec le matelas correspondant (Mendiola-A). À Murelaga (B) et à Zeanuri (B), on y ajoutait aussi le drap du cercueil, c'est-à-dire le suaire[1]. Aujourd'hui, cette coutume a pratiquement disparu puisque toutes ces choses sont achetées ou reçues en cadeau (Treviño-A). À Valdegovía (A), on pouvait y trouver quelques animaux, bovins, équidés ou porcs. Dans les descriptions qui sont présentées plus avant, la composition de la dot ou du trousseau qui était apporté dans chaque localité est minutieusement détaillée.

Au début du siècle, les jeunes filles commençaient toutes jeunes à préparer leur trousseau. Dans plusieurs vallées de Navarre comme Baztan, Larraun et Roncal, à Amayur, Uztarrotz et en Zuberoa, lorsqu'elles atteignaient l'âge de treize ans elles recevaient de leurs parents une parcelle de terrain pour y semer du lin.

De même, en Baztan (N) et à Amezketa (G), la maîtresse de maison donnait souvent à la servante, outre son salaire annuel, deux boisseaux de graines de lin qu'elle emportait chez elle pour commencer à préparer son trousseau.

Le transport des « joyaux » était un acte ritualisé qui revêtait une grande importance, car il supposait l'entrée du nouveau conjoint dans la maison, évènement désigné en basque du terme d’etxe-sartzea. On utilisait pour cela le char à bœufs que l’on décorait pour l'occasion, de même que les animaux. On veillait aussi à ce que l’essieu grince en faisant le plus de bruit possible. Il était également habituel que parmi les objets qui étaient transportés d'une maison à l'autre figurent en bonne place le lit monté et préparé et la quenouille[2]. Par ailleurs, un miroir occupait un lieu prééminent par les objets transférés.

En Bizkaia, on ajoutait au joug de la charrette un travail de forge constitué de clochettes et couvert d'une peau de blaireau, à la place de l'habituelle peau de brebis. Le blaireau semble avoir été un animal dont certaines parties (griffes, poil, etc.) étaient utilisées pour éloigner le mauvais œil. L'ensemble formé par la peau et l'appareillage était désigné du nom de cet animal, à savoir azkonarra[3]. Selon Azkue, à Murelaga (B) et à Ursuaran (G), on considérait comme un grand luxe le fait de disposer des peaux de blaireau sur le joug pour couvrir les clochettes dans le transport de la dot[4].

Dans certains villages de Vasconia continentale, la coutume voulait que le transfert s’effectue en grande pompe. Dans le cortège se détachait la couturière qui avait aidé à élaborer le trousseau et qui était chargée de préparer la chambre des conjoints. À Basabürüa (Z), à ses côtés intervenait un personnage qui remplissait une fonction très importante dans un autre type de cortège, celui lié aux rituels funéraires, c’est-à-dire le menuisier [5].

Cette opération n'avait pas lieu un jour précis, mais pouvait varier en fonction des localités entre le temps des bans et le lendemain de noce. Elle a été ritualisée à un tel point que les folkloristes du début du siècle lui ont accordé une grande attention et qu'il est donc possible d'en trouver diverses descriptions littéraires et détaillées. La tradition a commencé à se perdre dans les années trente de ce siècle.

Bien que l'héritier puisse être tant le garçon que la fille et que le transfert des joyaux d'une maison à l'autre soit réalisé parfois par le marié et à d'autres occasions par la mariée, ce n'est que le transfert de cette dernière qui revêtait une grande solennité.

Actuellement, dans certains villages, on réalise des représentations populaires de noces traditionnelles dans lesquelles le transfert de la dot est repris comme autrefois. Ces reconstitutions ont habituellement une large répercussion dans la presse écrite et à la télévision.

La conduite du conjoint adventice au domicile conjugal

Jadis, les deux conjoints, tant celui qui restait à la maison que celui qui devait s’y installer, se déplaçaient de l'église au foyer où allait se dérouler le banquet nuptial escortés par les assistants à la cérémonie qui étaient invités et parfois du musicien. Il convient de signaler que ce lieu ne coïncidait pas toujours avec le domicile conjugal. Le cortège se rendait parfois d'abord chez la mariée, qui normalement était celle qui changeait de domicile, et c'est là que les gens se restauraient, puis ils accompagnaient les mariés à leur résidence définitive.

Inventaire et exposition de la dot

L'exposition de la dot était autrefois un acte ritualisé par lequel une personne, normalement une femme, réalisait un décompte détaillé, et dans un ordre précis, de tous les objets apportés par la famille de la mariée au mariage. L'évènement avait parfois lieu le jour même du mariage, en préalable au banquet ou après lui, ou à une date antérieure à la cérémonie, généralement quand se produisait le transfert des biens de la maison de la future mariée à celle du promis.

La coutume de faire étalage de la dot de façon ritualisée s'est affaiblie au cours des années pour se limiter au trousseau et à l'habitation du nouveau couple sans aucun type de cérémonie. Les personnes qui s'en chargeaient étaient habituellement la propre fiancée, sa mère et parfois une voisine et les amis de la fiancée ou, le cas échéant, les invitées. Ces biens étaient montrés avant la noce ou le jour même de la cérémonie.


  1. Resurrección Mª de AZKUE. Euskalerriaren Yakintza. Tome I. Madrid: 1935, p. 271. (Quand Azkue a recueilli cette information il signale déjà qu'elle se pratiquait au temps jadis).
  2. À propos de ce dernier élément, qui était souvent placé à un endroit bien visible, signalons que déjà chez les Romains la femme apportait dans son trousseau une quenouille, symbole de sa disposition à travailler.
  3. Julio CARO BAROJA. Los vascos. San Sebastián: 191949, p. 324.
  4. Resurrección Mª de AZKUE. Euskalerriaren Yakintza. Tome I. Madrid: 1935, p. 271.
  5. Jean de JAUREGUIBERRY. "Un mariage en Haute-Soule" in Gure Herria, XIV (1934) p. 165.