IV. PRÉPARATION DE LA TERRE

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Le premier défrichement d'un terrain

Le défrichement de terrains jamais labourés auparavant se produit aux périodes de besoin de nouvelles terres, soit dû à une crise économique entraînant des phénomènes de ruralisation, autrement dit, de retour des gens dans les zones rurales, soit à une époque de croissance démographique pour la population déjà installée qui rend nécessaire d'augmenter les surfaces cultivées pour alimenter un plus grand nombre de bouches, et parfois simplement à un moment de prospérité qui pousse à défricher pour accroître les gains.

Bien que, historiquement parlant, l'intérêt pour ouvrir et défricher des terres gagnées sur la forêt a très fortement augmenté au XVIIIe siècle en correspondance avec la croissance de la population, surtout au Gipuzkoa et en Biscaye, afin de les transformer en terres aptes à l'agriculture, au XXe siècle ce processus s'est poursuivi comme nous pouvons le constater avec les descriptions suivantes.

Défrichage de maquis ou de terrain boisé

La première tâche dans ce type de défrichage consistait à éliminer les broussailles, à couper les arbres et à arracher les souches. Il était habituel de brûler les restes de végétaux et d'en répandre les cendres comme fertilisant.

Défrichage de pâturages

Parfois aussi, la parcelle à défricher était un terrain jusque là consacré à la production d'herbe. Il pouvait s'agir aussi de terres autrefois cultivées, puis remises en herbe.

La terre de labour

Préparation des terres de culture

Pour le semis ou la plantation des différentes cultures, une série d'opérations sont nécessaires qui sont décrites à grands traits ci-dessous :

– Labourer, irauli. Nettoyage de la parcelle ou débroussaillage (uzkaldu à Uhartehiri-BN) pour éliminer les restes de la récolte précédente, retournement à la charrue, goldiak, tirée par des vaches ou des bœufs seuls ou précédés de chevaux en renfort sur les terrains les plus difficiles, et travail à la herse, aria, au louchet (laya) ou la houe et aujourd'hui au tracteur.

– Émietter ou émotter la terre (destormar, desterronar, destormonar), avec un simple tas de ronces attaché avec une corde d'abord, puis avec la narria ou herse (aria, ahia, basarria à dents courbes et axes giratoires)[1], ou avec des masses en bois ou des rouleaux de pierre (alperra) et même de bois (bonbila, bonbilla) dans les terres hautes et, dans les basses, avec une planche (tabla, ohola) (cette action est appelée à Fitero-N tablear) ou des perches de bois entrecroisées (hesija ou hesia) sur lesquelles étaient déposées des pierres pour renforcer l'action avec le poids, et même en utilisant des rouleaux combinés, comme au Gipuzkoa, et à l'époque moderne avec des herses rotatives. À Sara (L) cette opération est appelée harrotu (retourner), suivie de celle d'aplanir (arratu, lurra txeakatzeko) le terrain.

– Sélectionner et désinfecter les semences (dans le cas des céréales). Dans le premier cas, on triait les meilleures semences et les plus grainées, que l'on faisait passer par un tamis pour séparer les graines mortes. Ensuite, dans le cas du blé, on le passait par un bain d'eau de chaux, de soufre ou de sulfate avant de le retourner avec des pelles en bois[2].

– Semer, gereiñ, en jetant les graines à la volée dans le cas des céréales ou en les déposant dans des trous préalablement réalisés (maïs, haricots) ou dans des sillons tracés avec des marqueuses, markak, et séparés les uns des autres par une distance variable (pour les céréales environ six pas), ce qui exigeait de donner plusieurs passes de rejas ou charrue à la terre avant de procéder au semis.

– Fertiliser. Le fumier animal et les déchets accumulés pendant l'hiver étaient recueillis et mis en tas jusqu'à ce que, début mai, le moment soit venu de les épandre sur les parcelles destinées au semis du maïs à l'aide de la fourche (fuxina en Vasconia continentale) à quatre dents, opération appelée à Sara (L) ongarria eman (jeter les déchets au terrain).

– Sarcler, jorratu, pour éliminer les mauvaises herbes à l'aide de sarcloirs en forme de binettes, boutoirs ou crochets en fer, holgazanes, dotés d'une petite lame incurvée, affûtée à l'extérieur et perpendiculaire au manche, complétée par un court bâton.

– Arroser. Pour les cultures d'irrigation, une tâche supplémentaire s'impose, celle de disposer un treillis de tubes et d'arroseurs au moment où la croissance de la plante n'est pas encore trop avancée, vers le mois de juin, afin de pouvoir arroser.

– Récolter, avec ses opérations postérieures de nettoyage, d'égrenage le cas échéant, de transport, stockage, etc.

La fertilisation

La fertilisation est un travail essentiel pour préserver la fertilité de la terre. Antan, il était habituel d'utiliser le fumier animal à cette fin[3]. Au fil des années, les engrais minéraux et de synthèse ont pris de l'importance jusqu'à la généralisation de leur usage, limitée uniquement ces derniers temps par leur cherté.

L'utilisation des cendres

Les cendres employées dans les potagers et dans les terres de culture provenaient de deux sources, soit le feu du foyer, en gardant la cendre dans des récipients adéquats pour ensuite la verser sur le sol, soit l'amoncellement des restes végétaux dans la zone de culture pour les brûler et répandre leurs cendres.

Le chaulage

La chaux était abondamment utilisée autrefois pour amender les parcelles de culture et ainsi compenser leur tendance à s'acidifier, une tendance favorisée par la lixiviation exercée par les fréquentes pluies dans la zone atlantique et des sols naturellement acides.

Cela a ainsi été constaté à Sara (L) où la chaux a été très utilisée comme amendement dans les champs au cours du XIXe siècle ; mais dès le début du XXe, elle est à peine employée et les fours à chaux, si nombreux dans ce village, sont abandonnés et tombent en ruine. Les rares paysans qui amendaient parfois leurs terres avec de la chaux quand Barandiaran a réalisé cette enquête (années 1940-50) s'approvisionnaient dans une carrière et un four à chaux d'Ainhoa.

Il s'agissait d'une chaux élaborée par ceux qui ensuite allaient s'en servir, ou plus rarement par des personnes qui se consacraient à ce travail dans l'environnement proche.

La fabrication artisanale de chaux a été abandonnée et son élaboration actuelle s'effectue de façon industrielle à l'aide de dérivés du pétrole pour la combustion, ce qui facilite énormément sa production. Les fours qui autrefois ont eu tant d'importance pour les paysans ont été abandonnés et aujourd'hui on les retrouve très abîmés et envahis de broussailles (Elgoibar-G).


  1. La narria est une simple plateforme en bois tapissée de picots sur sa face inférieure. La herse, métallique, comportait plusieurs socs.
  2. Au XVIIIe siècle, selon une information d'Anes concernant le Gipuzkoa, les semences étaient répandues dans le champ mélangées à de la chaux –pour la protéger des insectes des graminées et autres petits animaux de la microfaune agraire–, ou mouillée avec de l'eau bouillie pour accélérer la germination. G. ANES. “Tradición rural y cambio en la España del siglo XVIII” in La economía española al final del Antiguo Régimen. Tome I. Agricultura. Madrid : 1982, pp. XVII-XLV, cité par José Carlos ENRÍQUEZ; Arantza GOGEASCOECHEA “Agricultura tradicional en la vertiente norte del País Vasco: prácticas productivas y organización ecológica familiar” in Lurralde: Nº 18 (1995) pp. 245-256. Disponible à : http://www.ingeba.org/lurralde/lurra-net/lur18/ enriq18/18enriq.htm. Accès : 22/04/2014.
  3. La production de fumier dans les étables a été traitée dans un volume antérieur de l'Atlas ethnographique intitulé Élevage et activité pastorale en Vasconia. Bilbao : Etniker Euskalerria; Eusko Jaurlaritza ; Gouvernement de Navarre, pp. 230-233.