Préambule

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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La médecine populaire

La médecine populaire est un volet de la culture traditionnelle peu étudié sous l’angle ethnographique, de sorte que la bibliographie relative à l’information originelle, autrement dit les savoirs populaires recueillis oralement, est assez pauvre. En revanche, il existe des recueils, certains de bonne qualité, qui effectuent une relecture de ces informations d’un point de vue médical. Ces travaux sont en général réalisés par des professionnels de la médecine intéressés par ce champ d’études. Le plus exemplaire de ces travaux, en ce qui concerne la Vasconia est peut-être celui réalisé par le Docteur Barriola au milieu du siècle dernier[1]. Quelques années plus tard, notre collaborateur, le Docteur Anton Erkoreka, réalisa à Bermeo, sa ville natale, une enquête à partir du questionnaire Etniker et l’utilisa pour sa thèse de médecine[2].

L’œuvre majeure dans ce domaine est sans doute Folk-Medicine, publiée à Londres par William G. Black en 1883, et traduite en espagnol par Antonio Machado y Álvarez, “Demófilo”, en 1889. Dans la présentation de sa réédition en espagnol, Jordi Pablo i Grau écrit:

“...la médecine populaire comprise dans toute son amplitude est un reflet et une synthèse de la vision du monde contenue dans chaque culture et un exemple de l’extraordinaire perméabilité et diffusion de ses savoirs”[3].

Le manque d’intérêt dont ont fait preuve les ethnographes vis-à-vis de la médecine populaire vient peut-être du fait qu’ils ont abordé ce domaine comme s’il s’agissait d’obtenir une ordonnance: à chaque maladie son remède, généralement lié à une espèce végétale, et qui s’applique d’une manière déterminée. Aujourd’hui même, lorsque les médias s’intéressent à ces pratiques traditionnelles, c’est sous l’angle de l’ordonnance, qui a peu à voir avec le savoir populaire. Dans cette forme de retour en arrière se cache une tendance très récente, celle de l’intérêt pour tout ce qui est naturel. Quoi de plus naturel en effet que de recourir à une plante, surtout si on va la cueillir soi-même dans la montagne, par rapport à l’habitude plus fréquente d’acquérir le médicament équivalent dans une pharmacie?

Mais la médecine populaire recèle une sagesse qui dépasse de loin le médicament en lui même. La majeure partie de notre ouvrage est le résultat des connaissances amassées par nos informateurs, connaissances que nous pourrions désigner comme de nature empirique. Néanmoins, en partie grâce aux personnes interrogées et en partie grâce aux rares ouvrages sur le sujet publiés ces dernières décennies, nous avons pu constater une série de faits qui nous permettent d’entrevoir une manière de comprendre la santé et la maladie –c’est-à-dire en définitive le corps humain– différente de la perception actuelle.

Pour notre part, en tant qu’ethnographes nous sommes conscients, sans toutefois disposer encore de preuves suffisantes pour le démontrer, que certaines pratiques et certains savoirs populaires observés s’inscrivent dans un passé très lointain. Déjà Barandiaran publiait dans les années vingt du siècle dernier un article intéressant sur ce thème[4].

Une fois collectées, ces informations sur le maintien de la santé et sur les soins nous permettent d’entrevoir un passé distinct du temps présent et difficile à décrire en détail par manque d’information suffisante. Il nous est toutefois loisible de nous en approcher.

Dans la mentalité populaire, il existe une relation intime entre la santé et l’environnement naturel. On parle de l’influence de la lune et plus concrètement des phases lunaires sur plusieurs aspects en relation avec la maladie et le cycle vital. On parle également de l’influence de l’environnement sur la santé, et pas uniquement de facteurs aussi évidents que la température mais aussi des vents ou de l’air nocturne. De la même façon, des vertus curatives étaient autrefois –et de nos jours encore dans certains cas– attribuées à un élément aujourd’hui considéré comme anodin, l’eau, en raison du simple fait d’avoir été obtenue dans un lieu déterminé ou un jour précis du cycle annuel. En définitive, beaucoup de ces pratiques reflètent une conception du corps vu non comme une entité isolée mais comme une entité pleinement insérée dans le monde qui l’entoure.

Pour la mentalité populaire, il existe aussi un lien entre certaines maladies et le monde végétal. On dit de certains maux ou signes d’altération de la santé qu’ils coïncident avec l’apparition et la chute des feuilles. La consistance du sang ou son degré de pureté est soumis à des oscillations annuelles équivalentes au flux de la sève des arbres. On dit que certaines maladies bourgeonnent –c’est le cas de la rougeole– ou que certains boutons ont des racines qu’il faut supprimer pour qu’ils ne ressortent plus.

Dans la mémoire de certains informateurs subsistent encore des explications qui ont nécessairement une origine lointaine. On croit ainsi que certaines maladies telles que les maux d’oreilles ou les rages de dents sont causées par une espèce de ver. Les pratiques de soins découlent donc de ces croyances. L’oreille est douloureuse parce que le ver qui s’y trouve a soif et remue, c’est pourquoi il convient d’apaiser cette soif avec quelques gouttes de lait pour que la douleur cesse. Dans le cas des rages de dents, l’alcool est utilisé pour tuer le ver.

Les traitements faisant appel à la magie constituent un autre aspect important. Nous avons recueilli de la bouche de nos informateurs des explications sur la maladie et les pratiques de soins dont le composant principal est de nature magique. Des exemples de traitements de ce type sont détaillés tout au long des différents chapitres, puis, en fin d’ouvrage, un chapitre entier est consacré aux malédictions et mauvais œil en tant que causes importantes de maladie.

Un autre chapitre complet est consacré aux pratiques de soins de nature religieuse. Pour remédier aux problèmes de santé comme pour prévenir leur apparition, il était habituel de se rendre dans certains lieux sacrés pour solliciter le secours de certains saints. Il est admis que chacun de ces saints est “spécialisé” dans la guérison d’une maladie. Il est intéressant de noter que ces lieux sacrés étaient majoritairement des chapelles rurales. Certes, il n’est pas dans les prétentions de cet ouvrage de vérifier combien de ces sites chrétiens occupent l’emplacement de sites antérieurement païens mais ce qui est certain, et cela se vérifie tout le long de l’ouvrage, c’est que l’analyse des facteurs qui ont provoqué les maladies oriente fréquemment les informateurs vers les desseins divins. Devant la fatalité que suppose une maladie, surtout quand celle-ci met en péril la vie de celui qui la pâtit, il est toujours habituel d’avoir recours à une prière. Dans les grands hôpitaux, là où la maladie est cernée par la technologie la plus moderne et où est appliquée la science médicale la plus avancée, nous pouvons continuer à trouver une chapelle où prier.

Mais les remèdes ne sont pas tous de nature religieuse. Comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, la majeure partie de l’information recueillie dans cet ouvrage fait référence à des pratiques dites empiriques, autrement dit à base matérielle. Dans l’ordre croissant d’importance, cette base peut être minérale, animale ou végétale mais les remèdes qui mettent en œuvre les espèces végétales sont majoritaires. Ceci signifie avant tout que nos informateurs ont eu une vaste connaissance de leur environnement naturel. De nos jours, les travaux qui recueillent les savoirs que les peuples dits primitifs tirent de leurs ressources naturelles pour se guérir s’inspirent d’un intérêt non seulement anthropologique mais aussi pharmacologique puisqu’il s’agit aussi de rechercher de nouveaux médicaments. Dans ce contexte, le peu d’intérêt manifesté par les populations rurales européennes aujourd’hui vis-à-vis de leur environnement reste surprenant, surtout en cette période critique où nous assistons à l’extinction de ces anciens savoirs.

La société traditionnelle ne négligeait aucun angle d’attaque pour traiter la maladie et ne considérait pas incompatibles des remèdes qui, de notre point de vue actuel, sont de nature aussi différente que peuvent l’être les traitements que nous qualifions d’empiriques et ceux qui relèvent d’une croyance. A ce propos, un exemple intéressant est celui du traitement des verrues: on faisait appel à des techniques empiriques comme humidifier les verrues avec le latex de certaines plantes ou appliquer des emplâtres de produits végétaux. Parfois, le traitement renferme une signification qui va plus loin que la pratique apparemment empirique, ainsi quand on utilise du sang menstruel, de la salive à jeun ou de l’eau recueillie le jour de la saint jean pour imprégner la verrue. Des remèdes de nature magique sont également mis en œuvre: on a recours par exemple aux baies de genévrier, dont la forme évoque celle d’une verrue, les baies étant enterrées pour que, au fur et à mesure qu’elles sèchent, les verrues s’assèchent aussi. Ce traitement serait un cas de magie homéopathique ou imitative. On peut également frotter les verrues avec un morceau de pomme et, en le laissant sécher, on obtient que les verrues sèchent aussi. Dans ce cas il s’agirait, selon la classification de Frazer, d’une magie contaminante ou contagieuse. Mais en outre, ces deux cas de magie sympathique peuvent être combinés en utilisant des grains de sel que l’on frotte sur les excroissances et que l’on jette au feu ensuite. Une pratique plus complexe consiste à envelopper et à déposer ces grains de sel ou des morceaux de pomme à la croisée des chemins de sorte que les verrues soient emportées par celui qui les ramassera.

“Eskualduna miriku”, Pierre Larzabalen artikulua. Gure Herria, 1934. Fuente: Gure Herria. Bayonne: Association Gure Herria, 1934.

Une autre des caractéristiques qui définissent la médecine populaire est qu’elle soigne les symptômes et non les maladies. Les remèdes populaires ne s’occupent pas des causes des maladies, notamment parce qu’il est très difficile, et dans certains cas impossible, de déterminer quelle est l’origine du mal. Ce qu’ils font, par contre, c’est traiter les manifestations des maladies, c’est-à-dire les symptômes. De nombreux exemples de cette pratique sont recueillis dans un chapitre de cet ouvrage.

Il est admis que certains des remèdes populaires utilisés actuellement ou dont nos informateurs se souviennent ont été utilisés dans les temps anciens par la médecine officielle. Le progrès a peu à peu laissé de côté ces remèdes jusqu’à ce qu’ils soient oubliés par la médecine scientifique. Ils avaient néanmoins fait l’objet d’un apprentissage par des personnes, restées étrangères à l’évolution médicale, qui continuèrent à les utiliser jusqu’à nos jours. Cet ouvrage consacré à la médecine populaire ne prétend pas analyser l’origine de ces pratiques, un travail qui relèverait plutôt de l’histoire de la médecine.

La médecine populaire se caractérise aussi par le fait que, même si l’explication d’une maladie est incorrecte, le traitement qui lui est appliqué n’est pas nécessairement inutile. Dans l’exemple des maux d’oreilles exposé auparavant, il est évident que cette douleur n’est pas due à un ver, mais l’huile ou le lait administré pour apaiser la soif du ver peut réellement amollir le bouchon de cire éventuel qui provoque cette douleur et ainsi faciliter l’expulsion du bouchon et, avec lui, la solution du problème.

Erreurs populaires sur la Médecine (1783). Fuente: Thillaud, Pierre L. Les maladies et la médecine en Pays Basque Nord a la fin de l’ancien régime (1690-1789). Genève: Librairie Droz, 1983.

La recherche actuelle

La campagne d’enquêtes qui a permis de recueillir des informations à partir desquelles a été élaboré ce volume de l’Atlas Ethnographique consacré à la médecine populaire s’est déroulée entre 1994 et 1999. Cette information n’est pas négligeable car la question de la date est déterminante pour le type d’information recueillie. La majeure partie des informations obtenues fait référence à des traitements empiriques mais les informateurs ont encore en mémoire des remèdes et des pratiques de type magique et religieux. Ceux-ci sont toutefois minoritaires par rapport aux premiers. Si la collecte d’informations s’était effectuée quelques décennies auparavant, cette disproportion n’aurait pas été si manifeste.

Dans notre enquête, nous ne nous sommes pas limités à rassembler l’information en rapport avec les remèdes, c’est-à-dire avec la façon de les préparer et de les appliquer; nous avons également obtenu des renseignements sur les connaissances relatives à la maladie qu’on veut soigner, aux symptômes par lesquels elle se manifeste et à l’origine qui lui est attribuée. Il s’agit évidemment d’interprétations populaires qui n’ont pas à coïncider avec les interprétations scientifiques, même si Frankowski a écrit que « la médecine populaire, mère de la médecine moderne, porte dans ses entrailles les observations de milliers de générations et exprime, bien souvent, des savoirs précieux qui furent approuvés et utilisés par les éminences scientifiques» [5].

Les chapitres qui composent ce volume ne suivent pas un ordre conventionnel. La collecte d’informations a été réalisée grâce à une enquête de type ethnographique, celle utilisée par les Groupes Etniker. L’ordonnancement du matériau d’enquête suit, dans la mesure du possible, un critère également ethnographique dans sa démarche de refléter la mentalité populaire. Un sérieux problème se serait posé si cet ordonnancement s’était effectué selon les postulats de la science médicale: l’ajustement à ses schémas d’une information qui relève de concepts très différents des actuelles connaissances scientifiques aurait entraîné une distorsion inévitable. Pour cette raison, les chapitres de l’ouvrage sont ordonnés en allant de la partie la plus noble du corps, la tête, jusqu’en bas, et de la partie la plus en évidence, la peau, jusqu’à l’intérieur.

Il convient de signaler que la quantité de remèdes populaires recueillie n’est pas proportionnelle au degré de gravité de la maladie que ces remèdes prétendent guérir: les rhumes ont de nombreux remèdes alors que les maladies cardiaques en ont très peu. La peau constitue une autre exemple évident, la partie la plus visible de l’organisme se prêtant à de si nombreux traitements que trois chapitres ont été nécessaires pour les décrire.

Comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, la mentalité traditionnelle ne fait pas de distinction entre traitements empiriques et traitements religieux. Ceci explique pourquoi les soins sont présentés sans différencier les deux groupes de pratiques. Malgré tout, nous avons consacré un chapitre particulier au mauvais œil et à la malédiction ainsi qu’un autre aux traitements de nature religieuse en raison des particularités qu’ils présentent.

Tout le long de l’ouvrage, nous faisons référence à de nombreuses espèces végétales. Les enquêtes de terrain reflètent en effet la diversité botanique qui se déploie sur les deux versants, atlantique et méditerranéen, de la Vasconia. Et, chaque fois que cela a été possible, leur nom populaire est accompagné de la denomination scientifique. Mais nous devons constater que la fiabilité n’est pas totale. Les raisons en sont multiples: l’identification a été effectuée par l’enquêteur qui n’a pas toujours les connaissances botaniques suffisantes pour que ses avis soient justes. De même, les informateurs ne sont pas absolument sûrs quand on leur demande de recueillir la plante dont ils parlent, surtout lorsqu’il s’agit d’une espèce qu’ils ont vu utiliser il y a très longtemps. Ce problème devient épineux si plusieurs espèces ont le même aspect. Souvent, pour réaliser ces identifications, nous associons au nom populaire la dénomination scientifique apparaissant dans les textes qui font référence à cette plante. Le problème est qu’une même espèce végétale peut avoir plusieurs désignations populaires et qu’inversement un seul nom commun fait parfois référence à différentes espèces.

L’information recueillie dans ce volume a été transmise oralement et nous avons veillé à ce que les remèdes mentionnés par nos informateurs n’aient pas été connus dans des livres traitant de ce thème ou relevés dans les médias. Il est cependant évident et inévitable qu’il y ait des informations qui coïncident.

En dépit du fait que certains de ces remèdes aient été employés pendant des générations, leur efficacité du point de vue médical n’est pas avérée. Ils peuvent même être contre-indiqués selon les connaissances dont nous disposons aujourd’hui et les normes d’hygiène actuelles.

Cet ouvrage ne prétend pas non plus être une pharmacopée. Il est possible aujourd’hui de trouver sur le marché bon nombre de publications sur différentes plantes médicinales avec un dessin ou une photographie afin de faciliter leur identification, une liste des maladies pour lesquelles elles servent et leur mode de préparation. Ni la structure de cet ouvrage, ni ses prétentions ne ressemblent au contenu de ces publications.

Dans un premier temps, nous avions pensé inclure dans ce volume la médecine vétérinaire populaire, en raison de ses affinités avec le thème qui nous occupe. Ceci fut d’ailleurs annoncé dans le volume antérieur de l’Atlas Ethnographique consacré à l’élevage et aux bergers en Vasconia. Plusieurs remèdes sont en effet communs aux deux domaines, même si, dans le cas des animaux domestiques, les doses et les concentrations des préparations sont plus importantes. Les pratiques curatives de nature religieuse ou magique sont également semblables et, en outre, les guérisseurs, surtout ceux spécialistes des os, ont en général commencé par soigner le bétail avant de soigner les personnes. Néanmoins, au vu de l’importance prise par la partie correspondante à la médecine, nous avons opté pour reporter la publication de ce matériel.

Les transformations

Tout au long du vingtième siècle, la médecine scientifique a connu une extraordinaire progression, qui s’est accélérée chaque décennie, et cela au détriment des pratiques basées sur la médecine traditionnelle. Des instances autorisées en sont pourtant venues à affirmer qu’“il y a très peu d’erreurs dans la médecine populaire; dans de nombreux cas, leur utilisation (des plantes) est justifiée par les propriétés qu’elles possèdent selon la littérature scientifique. Et dans le cas des quelques plantes que nous avons sélectionnées pour vérifier (...), parce que leurs propriétés ne figuraient pas dans ces textes en dépit de leur fréquente utilisation dans des lieux géographiquement dispersés, leur action supposée a pu être prouvée»[6].

La fonction remplie autrefois par les guérisseurs constitue un aspect intéressant de la médecine populaire. Les personnes qui avaient la capacité de guérir jouissaient d’une considération importante avant que ne se généralise le personnel sanitaire doté d’une formation scientifique. Les guérisseurs appartiennent à des sagas familiales, ce qui donne lieu à une transmission familiale du savoir, de personne à personne. Mais aussi bien ces guérisseurs que d’autres personnes liées à la guérison des maladies ont perdu leur rôle de premier plan au fil du vingtième siècle, au fur et à mesure que le personnel sanitaire croissait en nombre et occupait leur place. Aujourd’hui, certes, ils restent présents, même si leur importance n’est plus la même. Ceux qui s’adressent à eux le font généralement pour traiter une maladie qui résiste à la médecine conventionnelle. Actuellement, nous observons aussi un essor des consultations relevant de disciplines étrangères à la médecine allopathique comme la naturopathie, l’homéopathie, les massages, la diététique et la beauté, les herboristeries, etc...

Autrefois, on gardait à la maison des remèdes pour soigner de petites blessures, des onguents pour les brûlures et des plantes pour faire des inhalations ou préparer des infusions. Les remèdes d’origine végétale jouissaient d’une grande faveur. Dans le jardin familial, certaines plantes étaient cultivées à des fins thérapeutiques mais la majorité des simples étaient cueillis dans les champs ou à la montagne. Pour que leur efficacité soit plus importante, certaines de ces plantes devaient être cueillies à des occasions spéciales, le jour le plus propice étant peut-être le matin de la Saint-Jean, avant que le soleil ne se lève.

Au milieu du siècle passé, les préparations pharmaceutiques ont commencé à prendre de l’importance en détrônant peu à peu les remèdes traditionnels. Aujourd’hui, chaque maison continue à avoir sa petite pharmacie mais la composition de celle-ci a radicalement changé. A part la camomille, les plantes médicinales sont rarement ramassées en plein champ et, de plus, les préparations commerciales ont fait disparaître ce dernier vestige d’une pratique séculaire.

En fait, la médecine populaire était plus proche de la médecine officielle quand, par le passé, celle-ci avait l’habitude de recourir aux espèces végétales et aux formules magistrales. L’augmentation progressive des produits de synthèse et les avancées technologiques ont entraîné un éloignement continu des pratiques traditionnelles.

Avec le progrès des connaissances et l’amélioration des techniques analytiques, de nouvelles maladies ont été identifiées qui étaient inconnues autrefois. L’hypercholestérolémie, «avoir du cholestérol» en langage populaire, en est un exemple représentatif. Face à une nouvelle maladie, de nouveaux traitements ont également été appliqués dont les origines peuvent être assez diverses: cela peut aller d’hypothétiques explications médicales à des pratiques diffusées par des médias plus ou moins fiables.

Il arrive aussi que certaines maladies aient changé de dénomination ou pour le moins soient assimilées à des maux déjà connus autrefois. L’hypertension, par exemple, a été comparée à ce qu’on appelait avoir “le sang épais ou avec des impuretés». Dans ces cas, on continue généralement à appliquer des traitements déjà connus.

Outre les profonds changements survenus en termes de formation des professionnels de la santé, de généralisation de l’emploi des médicaments et de connaissance précise de nouvelles maladies, il s’est également produit une amélioration considérable dans les installations médicales, qu’il s’agisse des centres de premiers soins, des hôpitaux ou des moyens techniques dont disposent les professionnels. Pour une connaissance approfondie de cette évolution, nous pouvons recommander la lecture de l’ouvrage du Dr. Luis S. Granjel: Histoire de la médecine basque[7].

Les informateurs sont pleinement conscients du fait que le développement de la médecine scientifique, associé à une amélioration des conditions d’hygiène en général et de l’hygiène alimentaire en particulier, a eu des conséquences bénéfiques, comme l’élévation considérable de l’espérance de vie et la chute de l’importante mortalité infantile des décennies passées. Dans ce domaine, l’exemple le plus frappant est celui de l’infection.

Populairement, l´élément qui désigne la maladie de la façon la plus claire est la fièvre, avant même que la douleur. La fièvre indique une maladie plus importante, généralement un certain type d’infection qui, à une époque où les antibiotiques étaient inconnus, pouvait compromettre sérieusement la santé. Une fièvre importante était considérée comme signe d’une maladie grave mais les fièvres insidieuses ou récurrentes constituaient aussi une source d’inquiétude. Deux méthodes ont été utilisées pour contrecarrer la fièvre, car, selon son habitude, la médecine traditionnelle n’essaie pas de remédier aux causes qui la provoquent mais de l’enrayer. La première méthode consistait à stimuler la transpiration et la deuxième à frictionner le corps. Tout le long de cet ouvrage, nous pouvons trouver de nombreux traitements pour soigner l’infection. A ce propos, la découverte et la diffusion des antibiotiques est considérée par les gens comme la principale découverte du vingtième siècle, comme l’atteste le grand nombre de rues et de places dans notre pays qui portent le nom d’Alexander Fleming.

Hierbas medicinales de la botica de Obanos (N), primera mitad del s. XX. Fuente: M.ª Amor Beguiristáin, Grupos Etniker Euskalerria.

Malgré le progrès et l’extension de la médecine scientifique, des éléments magiques perdurent encore dans la mentalité populaire. L’un d’entre eux, amplement répandu, consiste à appliquer un traitement pendant un nombre déterminé de jours, toujours impair. Un autre exemple est constitué par les pratiques pour éliminer les verrues ou les hémorroïdes avec des plantes, des graines ou de petits fruits représentant les verrues, que l’on dissimule ou l’on porte sur le corps de sorte qu’en séchant les verrues aussi s’assèchent. Ces pratiques largement connues sont encore utilisées par certains de nos informateurs d’un certain âge. Ceci est encore plus évident avec certaines croyances à caractère religieux. La coutume de porter le cordon de San Blas, par exemple, reste aujourd’hui amplement répandue.

La généralisation du système sanitaire a entraîné un changement dans le comportement des gens. Aujourd’hui, lorsqu’une personne se sent mal, elle s’adresse immédiatement à un médecin et s’en remet à lui. Le médecin détermine de quelle maladie souffre le patient et lui prescrit un traitement ou dirige le patient à un échelon supérieur censé disposer de plus de moyens et de connaissances, c’est-à-dire l’envoie à un spécialiste. Ce comportement, si naturel aujourd’hui, suppose un important changement de mentalité. Autrefois, les gens allaient seulement chez le guérisseur, ou plus tard chez le médecin s’ils considéraient que le mal dont ils souffraient était suffisamment important pour ne pas céder avec leurs propres moyens. Celui qui se sentait mal était responsable de lui-même, il avait les connaissances et les moyens suffisants pour se traiter et essayer de se guérir ou, du moins, il pouvait obtenir ces connaissances et ces moyens dans son entourage proche. De plus, grâce à cette attitude il concédait une trêve à son corps, c’est-à-dire qu’il faisait confiance à la capacité de celui-ci de se guérir lui-même.

D’une certaine manière, nous avons laissé notre santé -ou plutôt notre maladie- aux mains des médecins et de ceux qui décident des politiques sanitaires. Ce n’est que depuis récemment que l’on observe une volonté croissante d’instruire la population sur les règles à suivre pour conserver la santé. Une anomalie a toutefois dû se produire dans notre société pour que des campagnes à caractère informatif et éducatif soient nécessaires pour atteindre cet objectif.

Il y a lieu de se demander ce que cache l’augmentation des visites chez les médecins généralistes de la part de personnes qui se sentent seules, la fréquence des consultations aux urgences hospitalières pour des problèmes bénins ou les dépenses croissantes en médica ments qui transforment de nombreux foyers en petites pharmacies. Quelle part de la perception de la maladie correspond à un versant oublié par la médecine actuelle si technicisée? Quelle est la relation humaine? Qui se charge d’écouter la souffrance pendant des consultations alors que le temps consacré à chaque patient est calculé au plus juste? La famille et l’entourage le plus proche du malade sont ceux qui continuent à suppléer à ce type de carences, mais au fur et à mesure que les modèles sociaux et de la famille changent, ce type d’assistance va aussi se trouver compromis. Les médecins eux-mêmes reconnaissent que, lorsqu’ils sortent de la consultation, les patients sont en partie déjà guéris et l’existence d’un effet placebo, dont il doit être tenu compte au moment de valider les médicaments, est admis.

Malgré l’abandon progressif de la médecine traditionnelle, une résurgence de ces pratiques peut être observée ces derniers temps, même si elles se manifestent sous d’autres formes. L’intérêt pour les connaissances médicales originaires d’Orient grandit. Certains aussi préfèrent recourir aux plantes médicinales, qu’elles soient cueillies en plein champ ou en montagne, près de chez eux, ou qu’elles soient vendues dans une herboristerie. Cet intérêt croissant pour ces plantes peut avoir son origine dans le fait qu’elles sont considérées plus naturelles que les médicaments de synthèse et qu’elles ne présentent donc pas d’effets secondaires. Cette tendance actuelle est exploitée par les médias et les maisons d’édition, qui offrent à la vente une information toujours plus abondante sur ces remèdes en insistant sur le fait qu’«ils proviennent de nos ancêtres».

  1. Ignacio Mª BARRIOLA. La medicina popular en el País Vasco. San Sebastián: 1952.
  2. Anton ERKOREKA. Análisis de la medicina popular vasca. Bilbao: 1985.
  3. Jordi PABLO i GRAU. “La medicina popular de Black un siglo después” in William G. BLACK. Medicina popular. Barcelona: 1982.
  4. José Miguel de BARANDIARAN. “Paletnografía vasca” in Euskalerriaren Alde, X (1920) pp. 182-190, 224-252 y 253-470.
  5. Eugeniusz FRANKOWSKI. Sistematización de los ritos usados en las ceremonias populares. Bilbao: 1919.
  6. Margarita FERNÁNDEZ. “Medicina popular navarra” in Zainak. Cuadernos de Antropología-Etnografía, XIV (1997) p. 35.
  7. Luis S. GRANJEL. Historia de la medicina vasca. Salamanca: 1983.