II. LES TERRES CULTIVÉES

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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CLASSES, QUALITÉ ET CULTURES DES TERRAINS

Considérations générales

En préalable à la caractérisation des classes de terrains effectuée dans les villages étudiés, nous allons ouvrir ce chapitre sur quelques idées générales concernant les terres de labour recueillies au cours de l'enquête de terrain menée dans la vallée biscayenne de Carranza.

Les informateurs de la vallée distinguent dans les terres de labour plusieurs couches qui équivalent aux horizons qui forment le profil d'un sol.

La plus superficielle est connue sous le nom de flor (fleur de la terre). Elle est la plus sombre, de sorte que sa qualité est d'autant plus élevée que sa couleur tend au noir. Les gens savent qu'il s'agit de la couche la plus précieuse et fertile et que tant sa couleur que sa texture sont le fruit d'un enrichissement constant en matières organiques. C'est la partie la moins compacte et la plus friable.

En dessous de cette première couche s'étend une autre qui ne reçoit d'autre nom que celui de terre ou de terre normale. De couleur plus claire, car contenant moins de matières organiques, elle tend à se tasser plus facilement.

Et enfin, sous cette dernière, se trouve ce qui est appelé la madre (mère). Elle est habituellement de nature argileuse et en général de couleur beaucoup plus claire que la couche située dessus, tout en présentant parfois des nuances bleutées. Très compacte, elle est dépourvue de valeur productive.

Types de sols, lur motak

Une donnée commune que recueillent les enquêtes est que, de façon générale, les terres planes, sablonneuses, qui occupent les vallées sont plus riches, meilleures à travailler et plus productives. En revanche, les sols argileux sont plus durs, même s'ils sont propices à certaines cultures. Les pires sont les sols caillouteux, car même s'ils ont été dépierrés, les cailloux remontent avec les labours profonds, ce qui complique le travail tant des animaux que des personnes et endommage les outils agricoles. Néanmoins, ces terres, dans le sud du territoire de Vasconia, sont aptes à la culture de la vigne et de l'olivier.

Le premier critère pour connaître la qualité d'un sol est sa couleur. La terre considérée la meilleure est celle qui tend à être noire, car elle est tout à la fois facile à travailler et productive. Les conditions climatiques doivent être favorables pour que les plantes y poussent bien car en cas de sècheresse estivale la plante se fane et meurt avant que dans d'autres types de sols plus riches en argile. La couleur foncée d'une terre est liée à l'emploi d'engrais à base de matière organique et un terrain de ces caractéristiques est d'autant plus apprécié pour l'agriculture qu'il est travaillé depuis des années.

Le second facteur est la composition du terrain. Les sols noirs et peu compacts se travaillent bien car ils sont pauvres en argile, même s'il convient qu'ils en contiennent une certaine quantité. Ils sont peut-être propices à un nombre moindre de plantes, mais celles qui y poussent le font avec plus de force. Ces sols résistent mieux à la sècheresse et toutes les cultures y réussissent, en particulier la borona (maïs) et les haricots. Un excès d'argile rendait la terre pratiquement impossible à travailler avec les moyens dont on disposait.

Un autre aspect à prendre en compte est la profondeur. La terre la plus appréciée est la terre profonde, c'est-à-dire celle qui permet de la travailler commodément sans risque, même en approfondissant le labour, d'atteindre la roche mère. En revanche, il existe des terrains avec une si mince couche de terre qu'en la travaillant les pierres refont surface.

Quant à l'orientation des parcelles, les meilleures sont censées être celles tournées vers l'est car les cultures sont plus ensoleillées et la pente du terrain les protège du vent du nord. Le soleil du matin étant aussi bon que celui du soir, les informateurs préfèrent cependant le premier, dont ils disent que “tiene más gracia” (qu’il est plus plaisant).

Défrichage de la terre

Labourer consiste à remuer la terre à l'aide de la charrue traditionnelle, à soc triangulaire, qui ouvre des sillons en versant la terre des deux côtés. Au retour, comme la terre s'accumule contre celle versée à l'aller, il se forme entre chaque sillon un monticule allongé. Le travail réalisé avec la charrue est un type de labour plus superficiel que le maquinado (réalisé avec une machine).

Le mot maquinar a commencé à être utilisé probablement après l'introduction d'outils agricoles de type brabant, dans de nombreux villages simplement appelés machine, terme qui a continué à être employé au fur et à mesure que bœufs et brabants disparaissaient devant les tracteurs équipés de charrues plus modernes.

Dans le maquinado, le soc ouvre plus profondément la terre et le large versoir renverse la terre d'un côté. Au retour, l'engin dispose d'un mécanisme qui permet de basculer le soc de sorte qu'en ouvrant un nouveau sillon la terre est retournée dans le même sens et se couche sur celle déjà retournée lors de la passe précédente. Ainsi, sa fonction rappelle celle que réalisaient les traditionnelles layas (louchets).

Irrigation

De façon générale, nous pouvons dire que, dans tous les villages, les cultures d'irrigation se sont multipliées par rapport à l'agriculture pluviale. Ceci est dû en partie au fait que certaines cultures non irriguées ont été abandonnées au fur et à mesure que l'eau se rapprochait des terres de culture avec la mise en place de systèmes d'arrosage. L'irrigation a toujours été plus pratiquée en Tierra Estella et dans la Ribera, en Navarre, où grâce aux systèmes implantés les terres sont devenues hautement fertiles.

SITUATION ET SÉPARATION ENTRE PROPRIÉTÉS

En matière de clôture des parcelles, deux usages ont été relevés. Dans certains villages, la coutume voulait que les terrains soient clôturés, au départ avec des murets de pierre ou des haies qui, par la suite, ont laissé place aux clôtures en fil de fer, et dans d'autres les champs étaient ouverts. Les deux coutumes ont aussi coexisté. Le fait que l'activité prédominante ait été l'élevage ou l'agriculture a joué un certain rôle, car en présence de bétail abondant, les potagers devaient être protégés de l'éventuelle entrée d'animaux. Par contre, il a toujours existé des séparations plus ou moins naturelles entre propriétés pour les délimiter, en complément des bornes ou indépendamment d'elles. Aujourd'hui, la clôture des prés où pâture le bétail s'est généralisée et, parfois aussi, celle des potagers pour éviter l'accès des animaux et les vols par les indélicats.

Bornage. Mugarriak

Nous avons vu que l'une des façons de délimiter la propriété est la mise en place de murets en pierre, de clôtures ou de haies, mais l'existence de ces enceintes obéit plutôt à des raisons comme la protection des cultures contre les incursions du bétail. La méthode la plus courante et répandue pour délimiter les propriétés consiste à borner le terrain en question, mais il existe aussi d'autres systèmes pour indiquer la différente propriété de parcelles contiguës.

Dès les années 1920, Barandiaran a pu constater que l'emploi de pierres fichées dans le sol était général en Vasconia pour signaler les limites d'un terrain privé ou communal[1]. Mais bien que le concept soit le même, nous pouvons distinguer les bornes utilisées pour délimiter des propriétés particulières et de celles appelées bornes de juridiction, qui servent de lignes de démarcation entre les territoires communaux.


  1. José Miguel de BARANDIARAN. El mundo en la mente popular vasca. Zarauz:1960, p. 154.