XVII. UNIONS LIBRES ET ENFANTS NATURELS
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Unions libres
Les unions qui n’étaient pas sanctionnées par un mariage ecclésiastique étaient autrefois un tabou. Elles étaient considérées coupables et les rares personnes qui, pour différentes circonstances, osaient se mettre ainsi en ménage faisaient l’objet d’une forte pression sociale.
Au fil des années, elles ont augmenté en nombre et ont commencé à être tolérées, du moins quand elles survenaient en dehors du cercle familial. Aujourd'hui, elles sont devenues un phénomène commun et sont en général acceptées, du moins chez les personnes plus jeunes.
Mères célibataires
Antan, la jeune fille qui tombait enceinte sans être mariée était victime du mépris de ses voisins et souvent de sa propre famille.
La société rurale était plutôt dure avec la jeune fille qui avait un enfant étant célibataire, un borte comme on disait dans la Montagne navarraise. Ceci explique les cas relativement nombreux d'abandon de nouveaux-nés, bien que cette coutume soit condamnée par le Fors Général de Navarre. À la fin du XIXe siècle, il existait encore des villages dans lesquels on imposait à la mère l'obligation d'aller à l'église pendant un temps faire sonner les cloches à l'aube pour rappeler sa honte au voisinage[1].
La pire des situations que pouvait expérimenter cette jeune fille était l'expulsion de la maison paternelle.
Parfois, la jeune fille enceinte disparaissait du village sous un prétexte quelconque avant que l'on remarque son état et y revenait après l'accouchement et après avoir laissé l'enfant dans un hospice d’enfants trouvés ou chez un parent. Ainsi, les apparences étaient sauves et elle évitait les critiques de son environnement vicinal.
On essayait toujours que la jeune fille enceinte se marie avec le responsable. Ce n'est que quand ce dernier s'y refusait, ou si la jeune fille n'était pas sûre de la paternité ou ne voulait pas identifier le père, qu'elle se voyait contrainte de passer par l'une des situations décrites plus haut. À certaines occasions, en dépit de la stigmatisation associée au fait d'être mère célibataire, cette dernière parvenait à se marier avec un homme autre que le père.
Les grossesses liées aux relations pré-matrimoniales chez des couples qui prévoyaient de se marier faisaient également l'objet de critiques. On s'efforçait souvent de pallier le problème en avançant les noces. Cette situation a été appelée "casarse de penalti".
Les cas de naissances prématurées, avant que se soient écoulés neuf mois après la célébration des noces, étaient également problématiques pour la femme parce qu'il y avait toujours des esprits malveillants pour penser qu'elle s'était mariée enceinte.
Les enfants naturels
Le baptême
S'agissant d'enfant non reconnus, on donnait aux enfants naturels les noms de famille de la mère. Dans le registre d'état civil, là où devait figurer le nom du père, on notait "père inconnu". Il convient de signaler que si la mère ne se mariait pas avec le père de l'enfant, c'était parce que ce dernier ne le reconnaissait pas comme sien et qu'il ne se produisait jamais une situation aujourd'hui relativement courante, qui est que l'enfant porte les noms de famille du père et de la mère même s'ils ne sont pas mariés.
Destination des enfants
En général, la destination des enfants naturels était l'hospice des enfants trouvés et, dans le meilleur des cas, le foyer de parents vivant loin du lieu de résidence de la mère.
Comme l'a recueilli Caro Baroja, quand une célibataire ou une veuve avait un enfant fruit d'amours clandestines, un borte, si la famille voulait que ce fait reste caché, dans certains villages de la Montagne navarraise (vallées de Bertiz, Baztan, Santesteban et Basaburua Menor), on emportait le nouveau-né de nuit et en secret dans un autre village, ni très loin ni très près, on le laissait à la porte d'une maison et on frappait en disant : "Emen dagona artzue" (Ce que nous avons laissé ici, prenez-le). La famille qui se trouvait face à une telle charge imprévue pouvait porter plainte, afin que l'enfant soit porté à l'hospice des enfants trouvés de Pamplona, mais les gens en général le prenaient chez eux et l'élevaient[2].
Parfois, les enfants naturels étaient acceptés dans la maison et y grandissaient sans qu'aucune distinction ne soit faite avec les autres enfants.
Séparation et divorce
Comme ils le reconnaissent dans certaines localités, les séparations, autrefois, n'étaient pas fréquentes.
Quand il existait des problèmes manifestes de cohabitation et qu'on évitait la séparation, c'était souvent la femme qui prenait la plus mauvaise part dans cette situation[3].
L’état de dépendance financière dans lequel vivait jadis la femme par rapport au mari a aussi freiné les séparations. Le nombre de celles-ci était encore moindre dans les campagnes, car dans les petits villages la pression sociale était d’autant plus forte. Dans les bourgs et les villes ce phénomène se manifestait plus fréquemment.
Jusqu’à une époque récente, et plus précisément jusqu’en 1978, il ne pouvait se produire aucun divorce puisqu’il n’existait pas en tant que tel. Pendant la courte période de la République, qui a instauré une loi sur le divorce, quelques cas se sont produits, surtout dans les zones à vocation minière ou industrielle, comme s’en souviennent les informateurs du village biscayen de Muskiz. À partir de 1936 et jusqu'en 1978, seule a été possible la séparation des conjoints.
La mentalité et la tradition chrétiennes ont contribué à limiter grandement le nombre de divorces. Le concept d'indissolubilité du mariage était prégnant et, une fois mariés, les couples restaient ensemble, même s’il existait des problèmes de cohabitation.
- ↑ Julio CARO BAROJA. Los Vascos. San Sebastián: 1949, pp. 321-322.
- ↑ Julio CARO BAROJA. La vida rural en Vera de Bidasoa. Madrid: 191944, p. 146.
- ↑ À Uharte-Hiri (BN), en revanche, quand les discussions conjugales arrivaient au point que la femme batte le mari, les jeunes du village organisaient un charivari ou astolasterka. Un groupe d'entre eux, habillés d'oripeaux, se dirigeait vers la place, les uns à pied et les autres à cheval. Au milieu du cortège deux jeunes représentaient les époux en mauvais termes. Derrière eux suivait un âne. En arrivant à la place ils dansaient tous au son du clairon, de la xirula et du cornet à pistons, du tambour et des timbales, après quoi ceux désignés pour représenter les époux discutaient et se battaient. Les chanteurs, koblariak, improvisaient quelques couplets pour célébrer l'évènement. Enfin, ils faisaient monter l'âne sur une table et l’aiguillonnait de tous les côtés pour le forcer à adopter des postures grotesques qui provoquaient l'hilarité du public. José Miguel de BARANDIARAN. "Matériaux pour une étude du peuple Basque: A Uhart-Mixe" in lkuska. Nº 6-7 (1947) p. 173.