XVI. LES SYMBOLES PROTECTEURS DE LA MAISON

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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Les rites au début de la construction d'une maison

Dans toutes nos enquêtes, il a été constaté que le rite de pose de la première pierre et de sa bénédiction était plus lié au début de la construction de bâtiments publics ou de chantiers d'une certaine envergure. Dans ces cas, ce geste revêt une certaine importance en raison de l'assistance de personnalités et d'autorités. Généralement, c'est à la personne de plus haut rang que se voit confier le soin de poser la première pierre. Sous elle est déposée l'urne qui contient des documents attestant de l'évènement, quelques monnaies en cours et un exemplaire de la presse de ce jour[1].

Les rites en terminant le toit, monjorra, bizkar festa

Lorsque la construction d'une maison arrive à l'étape de l'installation du toit –populairement parlant quand on “echa el tejado”(jette le toit)–, un bouquet de fleurs ou un drapeau vient couronner le pignon ou gallur de la façade. Cet évènement est toujours assorti d'un déjeuner ou d'un dîner que paie le propriétaire de la maison et dont les convives sont ceux qui ont participé à sa construction. Cette coutume est générale sur tout le territoire de Vasconia.

La bénédiction de la maison

La bénédiction de la maison et de ses pièces a lieu une fois que, à l'issue des travaux, l'habitation est aménagée et la famille en a pris possession.

Ce moment était plus ou moins solennel selon le statut de la famille et était célébré avec un repas. Dans nos enquêtes, plusieurs témoignages de cette coutume, qui a été très répandue, ont été recueillis. Ainsi, à Beasain (G), le jour de la bénédiction de la maison un repas est organisé où sont invités quelques parents et le prêtre officiant. À Aoiz (N) et à Agurain (A), actuellement, ceux qui assistent au repas familial le jour de la bénédiction sont ceux qui ont participé à la construction de la maison. Le cas est le même à Aintzioa et à Orondritz (N), où, le jour de la bénédiction de la maison, les personnages du village qui ont collaboré à sa construction rejoignent à table la famille.

Les rites contre l'orage et la foudre

Au cours des siècles passés, la foudre était tenue comme l'un des agents ennemis de la maison et une éventuelle cause de sa destruction. Lorsque les informateurs se souviennent de ses dégâts, ils en parlent comme s'ils étaient provoqués par un malfaiteur subit et surhumain.

L'antique croyance selon laquelle la foudre est une pierre lancée par une nuée d'orage est présente dans le terme basque oinaztarri: (de oinaztu, éclair, et arri, pierre). Il se peut que le mot oneztarri qui désigne la foudre dans la zone de Gernika-Lumo (B) réponde à un vieux mythe très répandu dans les pays européens. Selon ce mythe, la foudre est une pierre spéciale (céraunie) qui, en tombant au sol, y pénètre jusqu'à la profondeur de sept stades. Ensuite elle remontait d'un stade chaque année jusqu'à atteindre, au bout de sept ans, la surface ; à partir de ce moment elle avait la vertu de protéger la maison contre la foudre[2].

Dans certains endroits, toutefois, on croyait que la foudre était un objet en bronze et dans d'autres on disait qu'il était en fer. La coutume, qui est recueillie dans la section suivante, de placer des haches d'acier avec le tranchant vers le haut sur le seuil pendant les orages afin de protéger la maison contre la foudre, est une conséquence de l'antique vénération de la hache de pierre et de la croyance en ses vertus surnaturelles. Avant celles d'acier, les haches de bronze ont dû jouer le même rôle : à l'entrée de la grotte de Zabalaitz dans la sierra de Aizkorri, une hache de l'âge du Bronze a été retrouvée enterrée avec le tranchant tourné vers le haut[3].

Les rites religieux de protection de la maison

L'eau bénite, ur bedeinkatua

Dans la tradition chrétienne, l'eau bénite est considérée comme un élément de protection tant de la maison que de ses habitants. La propre bénédiction de la maison, qui coïncide avec son inauguration, est réalisée par le prêtre en récitant les oraisons du Rituel et en aspergeant avec de l'eau bénite toutes ses pièces.

En dehors de cette cérémonie initiale, une petite bouteille d'eau bénite est gardée toute l'année dans les maisons. Pendant la veillée pascale, le Samedi saint, l'eau est bénie dans les fonts de l'église. Cette eau est destinée aux baptêmes qui auront lieu tout le long de l'année. Les paroissiens en prélèvent une petite quantité à Pâques pour l'emporter à la maison. La pratique de porter l'eau bénite le Samedi saint aux maisons était générale dans toute la Vasconia.

Symboles et images religieux

Les croix

La croix était le signe de protection par excellence dans la culture chrétienne. Ce signe peut être incorporé de multiples façons au bâtiment d’une maison.

Il n'est pas rare de voir, au sommet du toit au-dessus de la façade une croix en fer forgé contenant des ornements et des inscriptions et à laquelle a été incorporée une girouette pour indiquer la direction du vent.

Nous pouvons aussi voir, surtout dans certaines localités du littoral biscayen, des croix de pierre qui couronnent le mur arrière des fermes dont la toiture est à deux pans. Dans ces cas, le mur est aveugle et remonte plus haut que le toit ; il est dépourvu de l'avant-toit qui protège la toiture de la force du vent[4].

De même, il est très fréquent de trouver des croix et des anagrammes (JHS - Jesus hominum Salvator, Jésus Sauveur des hommes), gravées sur les claveaux de l’arc en pierre des porches (Astigarraga-G; Sangüesa-N) ou des croix peintes en blanc sur le linteau de la porte d'accès (Moreda-A) ou sur la fenêtre de la cuisine de nombreuses fermes.


  1. Ainsi, le 26 mai 2010, la première pierre du nouveau stade de football San Mamés à Bilbao a été posée et, sous elle, une urne contenant un morceau de pelouse et une pierre du mur extérieur situé à côté de la tribune, de l'actuel terrain de football, un maillot de l'équipe et les insignes des différents groupes de supporters de l'Athletic a été enterrée.
  2. José Miguel de BARANDIARAN. Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas. Tome I. Bilbao : 1972
  3. José Miguel de BARANDIARAN. “Contribución al estudio de la mitología vasca” in Homenaje a Fritz Kruger Tome I. Mendoza: p. 134.
  4. Ernesto Nolte offre un catalogue détaillé de ces croix de pierre : “Cruces y monolitos de piedra en tejados (parte zaguera) de caseríos vizcaínos y sus paradigmas” in Kobie. (Série Ethnographie). Nº 1. Bilbao : 1984, pp. 17-67. “Nuevos ejemplos de cruces de piedra en tejados (parte zaguera) de caseríos guipuzcoanos y vizcaínos” in Munibe. Num. 42. San Sebastián : 1990, pp. 469-472. Cf. également Michel DUVERT. “Etxe et croix en Iparralde” in Kobie. Anthropologie culturelle. Num. 12. (2006/2007) p. 535.