XIII. UNITÉS DE MESURE

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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Introduction

En 1790, l'Assemblée nationale française s'est prononcée en faveur de la création d'un système d'unités stable, uniforme et simple, et a choisit le mètre comme unité de base de longueur, soit la dix-millionième partie de l'arc du méridien terrestre. À partir du mètre vont être définies les unités pour le volume, le litre ; pour le poids, le grave, devenu plus tard le gramme ; et pour les surfaces, l'are.

Le système métrique décimal a été créé par une loi de 1795 et à son cinquième anniversaire, en 1800, il a été rendu obligatoire en France, avec interdiction d'utiliser tout autre système. Comme système universel, il a été implanté par le Traité du Mètre (Paris, 1875) et confirmé par la première Conférence générale des Poids et Mesures (Paris, 1889). L'objectif poursuivi était l'unification et la rationalisation des unités de mesure, afin qu'elles soient neutres, universelles, pratiques et facilement reproductibles. Les grandeurs de base sont au nombre de trois : le mètre comme unité de longueur, le kilogramme comme unité de poids et la seconde comme mesure du temps, déclinés en leurs multiples et sous-multiples.

En ce qui concerne l'Espagne, malgré l'approbation en 1849, sous Isabelle II, de la Loi des Poids et Mesures, le système métrique décimal a mis du temps à se généraliser en raison de l'enracinement des mesures anciennes. Avec la progressive introduction du système métrique décimal, les mesures traditionnelles, ainsi que les moyens et les ustensiles employés pour les déterminer, ont cédé peu à peu la place aux nouvelles. Les premières tentatives de l'implanter en Espagne se sont produits vers le milieu du XIXe siècle[1] et c'est ainsi, par exemple, qu'en 1868 est arrivée une collection d'unités du système métrique décimal à la mairie du gros bourg navarrais de Viana, où jusque là ils utilisaient les anciennes mesures. Nombre d'entre elles ont survécu jusqu'à nos jours, ou du moins jusqu'à il y a quelques décennies, en coexistence toutefois avec le système officiel et, comme nous allons le voir, sans connaître parfois les équivalences avec précision.

Mieux, comme il pourra être déduit de la lecture de ce texte, les, en principe, mêmes mesures différaient d'un endroit à l'autre, mais cela n'avait guère d'importance parce qu'autrefois le commerce et l'échange de produits avaient lieu sur un territoire restreint où les gens connaissaient les équivalences, ce qui ôtait tout intérêt à l'absence de correspondance exacte avec celles d'autres localités.

Un attachement aux mesures qui perdure, même un siècle et demi après leur suppression, a été constaté.

À Zeanuri (B), il a été relevé que nombre de mesures pondérales ont coexisté avec le système décimal, qui a été obligatoirement imposé dans la seconde décennie du XXe siècle. Jusqu'alors, par exemple dans les moulins, les poids utilisés étaient des poids en pierre qui ont été officiellement interdits. Des poids de ce type, qui comportent des compléments en forme d'anneau ou des fers solidaires de l'anse, ont été conservés jusqu'à nos jours dans certains moulins du village.

Au cours des dernières décennies du XXe siècle, un bon nombre d'unités de mesure restaient encore en vigueur dans certaines localités, comme le obrero ou gizalana comme unité de surface, la cántara (broc) pour le vin, ainsi que le azumbre, la livre et le cuartillo (chopine) pour le vin, le lait et l'huile. Les fanegas (fanègues) et les celemines (boisseaux) pour le grain, la farine et les pommes de terre. La plupart de ces mesures ont disparu, comme s'est évanoui le souvenir d'elles dans la mémoire des informateurs les plus âgés qui sont ceux qui les ont utilisées.

Les mesures recueillies et décrites dans les enquêtes de terrain des localités étudiées exigent souvent un outillage afin de pouvoir effectuer la mesure. Dans les maisons il existait quelques instruments de mesure, mais évidemment pas tous.

Le corps humain, patron de référence

Le corps humain est à l'origine de certaines unités comme le pouce, la paume, la brasse ou le pied, sans parler d'autres qui sont inconnues sur le territoire objet de notre travail[2]. De plus, il est commun de continuer à effectuer les mesures à l'aide des doigts, de la main ouverte, autrement dit la paume, du pied ou du pas, sans penser en unités de mesure équivalentes d'une façon ou d'une autre au système métrique, mais en prenant comme patron de référence ces parties du corps.

Dans la Vallée de Carranza (B), plusieurs termes ont été recueillis avec le corps humain comme unité de mesure. Ils disent ainsi que le pouce est la distance entre le bout du pouce et la première articulation quand elle est repliée et la cuarta ou paume celle qui sépare les bouts du pouce et de l'annulaire de la main étendue.

Quand il s'agit de mesurer une distance sur le terrain, on la calcule en faisant de grands pas, chacun étant censé représenter la distance d'un mètre. De même, à Bedarona (B), l'enquête a noté la mesure pausue (pas), qui équivaut approximativement au mètre et qui sert à mesurer les faibles distances et longueurs de terrain.

Les informateurs de Carranza signalent que pour calculer un mètre sans recourir à un instrument mécanique et en utilisant comme référence le propre corps on tend un bras horizontalement d'un côté et un mètre est la distance qui sépare le bout des doigts de la main éloignée de l'aisselle de l'autre bras. Pareillement, l'aune est l'écart entre le bout des doigts et l'aisselle du propre bras tendu.

  1. La Loi des Poids et Mesures du 19 de juillet 1849 a rendu obligatoire l'emploi du système métrique décimal dans toutes les transactions commerciales et l'Arrêté du 9 décembre 1852 a établi la correspondance officielle entre les anciennes mesures de toutes les provinces espagnoles et les métriques légales. Pour les équivalences, il est possible de consulter le document suivant du Centre espagnol de Métrologie (CEM), disponible sur le site : www.cem.es/ sites/default/files/00000458recurso.pdf.
  2. Ceci est tellement vrai que si nous suivons les noms donnés aux mesures traditionnelles de longueur et les proportions qu'elles gardent entre elles, il est inévitable de se souvenir du célèbre dessin de Léonard de Vinci, l'Homme de Vitruve. La brasse équivaut à la longueur couverte par les deux bras étendus, tandis que le stade correspond à la hauteur, et les deux sont égales, de sorte qu'elles forment un carré. La brasse contient deux varas (aunes), de sorte que la longueur de cette dernière est celle qui sépare le sternum de l'extrémité de la main ; en pliant le bras jusqu'à toucher avec le bout des doigts le centre de la poitrine, nous obtenons un coude ou une media, la moitié de l'aune ; enfin quatre paumes ou cuartas font une aune, soit l'équivalent de trois pieds ou tercias. La surface contenue dans le carré dont les côtés sont formés par les bras étendus et la hauteur de l'homme, est la brasse carrée et si le côté du carré n'est pas de six pieds, mais de sept, comme nous pouvons le vérifier dans la bibliographie citée dans cet ouvrage, cent fois ce carré est l'équivalent d'un obrero.