XIV. LES JEUX DE LANGAGE
Les jeux verbaux ont toujours été une ressource utile pour les jours de pluie et de froid quand on ne pouvait pas être dans la rue. Dans notre société rurale traditionnelle où la télévision n'existait pas, ces jeux ont aussi servi pour «matar el rato» (tuer le temps) quand il était impossible de faire autre chose.
Ce type de passe-temps était pratiqué sous le porche de l'école ou de l'église, à l'entrée de la maison ou dans la cuisine, avec éventuellement la participation des adultes, ou en tout autre endroit à l'abri du mauvais temps.
Ce sont des jeux encouragés aujourd'hui à l'école et surtout par les propres parents, car ils sont plus pacifiques et sédentaires, tout en favorisant la diction et en enrichissant le vocabulaire et l'ingéniosité des enfants. En général, ce sont des jeux mixtes où les filles sont souvent majoritaires car elles s'en tirent mieux.
Ces passe-temps vont de l'enchaînement de mots commençant par la dernière syllabe du mot précédent jusqu'aux fourchelangues et aux langages codés pour égarer les interlocuteurs gênants en passant par dire des bêtises et des rimes comiques.
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Les jeux d'habileté verbale pratiqués en groupe
A bellacos
Ce nom désigne de préférence un jeu pratiqué surtout en Bizkaia et Álava et moins en Navarre. En règle générale, à chaque participant est attribué un numéro, sauf à celui qui dirige le jeu qui est appelé abuela (Salcedo-A), amo del gato (Mendiola-A), ama del gato (Bilbao-B) ou padre cura (Allo-N). Une fois que le cercle est formé, l'ama ouvre le jeu en récitant le couplet correspondant à la localité. Une formule dit ainsi :
- En el convento de Santa Clara (Au couvent Santa Clara)
- había un gato ni muy gordo ni muy flaco (il y avait un chat ni trop gros ni trop maigre)
- que lo comió el X bellaco. (qu'a mangé la canaille X)
L'accusé répond : «Mientes bellaco» (Tu mens, canaille), et alors l'ama demande : «¿Quién se lo comió?» (Qui l'a mangé?). L'accusé donne le numéro d'un autre bellaco et les questions et accusation se répètent de plus en plus vite jusqu'à ce que quelqu'un, ne se sentant pas concerné, baisse la garde et soit éliminé. Les bellacos en activité ne doivent pas citer les numéros éliminés car s'ils le font ils sont aussi exclus.
A los disparates (Aux bêtises)
Pour le déroulement de ce jeu et du suivant, «Al teléfono», il est également nécessaire de disposer d'un groupe d'enfants, mais à la différence des précédents, ce sont des jeux non compétitifs, ou s'il existe un stimulus quelconque, ce qui est presque toujours présent dans les jeux d'enfants, la volonté de rivaliser est très atténuée.
«A los disparates» est le nom sous lequel il est connu dans la plupart des villages où il a été recueilli. À Hondarribia (G), il est appelé «A preguntas y respuestas». C'est un jeu mixte dans lequel les participants, en nombre variable, se disposent en cercle. Un joueur ouvre la ronde en posant une question à voix basse à son voisin de droite, qui lui répond de la même façon. Puis ce dernier passe la question à son voisin de droite et ainsi de suite jusqu'à faire un tour complet. Chacun doit se souvenir de la question qui lui a été posée et de la réponse qu'il a reçue à la question formulée par lui.
Une fois que la ronde est terminée, chaque participant doit répéter à voix haute ce qu'on lui a demandé et ce qu'on lui a répondu. Par exemple : « Un tel me demande à quoi servent les caleçons et un autre me répond que pour mieux voir ».
Al teléfono
À grands traits, le jeu consiste à placer les participants en cercle ou en file, de sorte qu'un joueur puisse passer un message à voix basse au camarade de droite, qui le transmet à celui de son côté et ainsi de suite jusqu'à arriver au dernier ou revenir au premier joueur. Le message consiste habituellement en un mot ou une phrase courte et doit être transmis de façon à rendre difficile sa compréhension pour la récepteur. Confronter la version initiale au message de la fin est une source de rires car habituellement ils ne se ressemblent en rien.
Les jeux d'habileté verbale individuels : les fourchelangues
Les fourchelangues occupent de plein droit une place à part et sont si généralisés qu'il est difficile de trouver un endroit où on ne les connait pas. Les enfants les plus habiles rient beaucoup en voyant comment les autres trébuchent et se trompent.
Les langages codés
Tous les enfants aiment avoir des conversations secrètes et faire les importants devant les autres en parlant sans qu'on les comprenne. Cette pratique si commune en basque comme en espagnol se retrouve, avec quelques petites variantes, dans les endroits où a été réalisée l'enquête.
La modalité la plus fréquente consiste à faire précéder d'un «ti» «pi» «te» ou «pe» chaque syllabe du message à transmettre. La vitesse accentue l'impression de langue inintelligible.
Il est également fréquent de parler en utilisant une seule voyelle : «Canda Farnanda Saptama bataba palatán» au lieu de «Cuando Fernando séptimo botaba pelotón».