II. AGONIE ET MORT

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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Agonie

L’état qui précède la mort dans une maladie est ce que nous connaissons sous le nom d’agonie, un terme qui originellement signifie lutte. Cette période de transition entre la vie et la mort est considérée cruciale car elle constitue le dernier rite de passage, un rite pendant lequel la personne change de statut pour acquérir la catégorie de défunt. Nombreuses sont les pratiques et les attentions qui sont dispensées pendant l’agonie, précisément pour que le moribond entreprenne avec fortune ce dernier voyage.

La personne qui se trouve dans cette circonstance fait l’objet de soins et d’attentions spéciales. Près de son lit se réunissent les membres de la famille qui lui apportent les secours nécessaires pour soulager son état ; il reçoit aussi la visite de parents et de proches. Il était aussi très commun, dans de telles circonstances, qu’il soit assisté par un prêtre pour lui administrer les sacrements du viatique et de l’extrême-onction. Ces secours spirituels étaient complétés par d’autres oraisons comme la Recommandation de l’âme et la bénédiction apostolique qui accordait une indulgence plénière au malade.

Signes physiques d'agonie

Quand l’état d’un malade grave empire, plusieurs traits physiques et de comportement sont considérés annonciateurs de l’agonie et donc de la proximité de la mort.

Un des symptômes les plus communs qui indiquent que le malade est entré en agonie est l’altération du rythme respiratoire : le moribond respire de façon entrecoupée, arnas motxa (Elosua-G), difficile et lente, ou en revanche arnasestua (Elosua-G, Goizueta-N), accélérée et haletante. Parfois il émet un bruit similaire à un ronflement qui, à San Román de San Millán (A), reçoit le nom de ronquijo. À Zerain (G), ils emploient l’expression petxuen edo bularran karkalarea atera.

Sonnerie d’agonie

Quand un malade entrait en agonie, la coutume dans certains villages voulait que l’on fasse sonner les cloches avec une sonnerie propre à l’occasion, habituellement appelée toque de agonía. Cette action est tombée en désuétude et de nombreux informateurs n’en savent rien.

Assistance à l’agonisant

Le malade passe par l’agonie en compagnie de sa famille qui lui donne toute l’assistance nécessaire. Les voisins viennent lui rendre visite et lui offrent quelques présents puis, quand la situation s’aggrave, ils aident la famille à le veiller pendant la nuit.

Prières pendant l’agonie

Pendant l’agonie, il était habituel que parents et voisins se réunissent pour effectuer des prières près du moribond. Dans certains villages, ils le faisaient généralement la nuit où avait été administré le viatique.

Normalement, c’est le prêtre qui est venu assister le malade qui récite les oraisons du rituel propres à cette situation, et les parents et les voisins présents lui répondent. Mais si le curé est absent, parce que l’agonie se présente subitement ou parce qu’elle se prolonge excessivement, c’est alors une personne proche du malade qui remplit cette fonction.

Autres pratiques religieuses

Parmi les attentions à caractère religieux prêtées au malade se détachent les prières, mais ce ne sont pas les seules pratiques qui sont réalisées; il est ainsi commun d’allumer des cierges et de préparer un petit autel pour recevoir le saint-viatique ; dans certains villages, ils aspergent le malade avec de l’eau bénite.

À Oiartzun (G), la pratique consiste à allumer un cierge de ceux bénis à la Chandeleur ou une de ceux qui à Pâques ont éclairé le monument[1].

Causes de la prolongation de l’agonie

Antan, une croyance très répandue voulait que la prolongation de l’agonie obéisse à des causes d’origine surnaturelle. Les personnes brouillées, ou qui avaient causé un préjudice à une autre, souffraient de longues agonies jusqu’à obtenir le pardon de l’offensé. La possession de certains petits génies personnels connus sous divers noms provoquait le même effet sur leurs maîtres jusqu’à ce qu’ils parviennent à s’en débarrasser.

Mort

Dénominations

La mort reçoit communément en basque le nom de heriotza (Bedia, Berriz, Meñaka, Orozko, Zeanuri, Ziortza-B ; Aduna, Altza, Ataun, Bidania, Deba, Elgoibar, Elosua, Ezkio, Hondarribia, Oiartzun, Zegama, Zerain-G ; Arano, Ziga-Baztan-N; Lekunberri­ BN ; Sara-L), herioa (Lekunberri-BN), azkena (Bidania-G). Le verbe commun pour indiquer l’action de mourir est hil. À Ataun (G), ils utilisent aussi kastau.

En basque, on a recours à différentes expressions pour exprimer l’acte de mourir selon qu’il s’agisse de personnes ou d’animaux, et parmi ceux-ci il existe aussi des différences en fonction de leur catégorie.

Causes physiques de la mort

Les informateurs, à grands traits, distinguent trois causes principales de mortalité : la vieillesse, la maladie et les accidents ou d’autres évènements violents.

Dans la culture traditionnelle, la mort des personnes qui ont atteint un âge avancé est considérée comme un fait naturel. Il est ainsi très courant d’entendre, si la personne décédée est vieille, que sa mort « es ley de vida » (c’est la loi de la vie) et cette mort n’est attribuée à rien de spécial, uniquement à la vieillesse (Moreda-A) ; on dit aussi que « son heure est arrivée » (Apodaca­A, Muskiz-B, Elgoibar-G).

Causes prodigieuses de la mort

Les enquêtes réalisées au cours de la première moitié de ce siècle ont enregistré plusieurs croyances populaires qui attribuaient la mort, dans certains cas, à des causes de nature diverse comme une malédiction ou le mauvais œil. Par ailleurs, la mort était perçue, d`après certaines expressions recueillies, comme un génie responsable de la perte de la vie. Dans la section ci-après, nous transcrivons essentiellement quelques faits et récits enregistrés à l’époque. Par contre, dans les enquêtes effectuées par nous, c’est un sujet qui apparaît très rarement.

Remplacement de la mort

La croyance qu’un malade grave pouvait se rétablir en approchant de lui une autre mort a été relativement répandue.

Une informatrice du quartier rural d’Alboniga à Bermeo (B) qui, dans les années trente, avait un frère gravement malade, a ainsi raconté qu’une de leurs vaches était morte et que sa mère avait alors déclaré que c’était bon signe car, ayant été remplacé par la vache, le jeune homme n’allait pas mourir.


  1. AEF, III (1923) p. 76.