XI. LE CORTÈGE FUNÈBRE. SEGIZIOA

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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La composition du cortège funèbre

Au sens large, le cortège funèbre est composé de tous les assistants à un enterrement. Au sens strict, le cortège est constitué par les éléments et les personnes qui précèdent le cadavre, le cercueil porté par les porteurs, les membres du deuil, les parents et les voisins le cas échéant et les autres personnes liées au défunt qui participent au défilé et aux cérémonies organisées à l'occasion des obsèques.

Dans nombre de villages étudiés, il a été constaté qu'autrefois les honneurs funèbres étaient moins fréquentés qu'aujourd'hui. Le nombre d'assistants, à l'exclusion de l'entourage du défunt, était beaucoup plus restreint qu'actuellement. Les parents proches, les voisins et quelques personnes de plus y assistaient. Dans certains endroits, il a été recueilli que les femmes les plus directement concernées, de part leur relation avec le défunt, comme la veuve et les filles, n'assistaient ni à l'enterrement ni aux obsèques. Parfois, la présence féminine de personnes autres que les parentes n'était pas non plus aussi abondante que de nos jours. Les jeunes et les enfants n'allaient qu'aux enterrements de garçons et d'enfants de leur âge auxquels, généralement, n'assistaient pas les hommes.

À une période plus proche de l'actuelle, du fait des conventions sociales et que les obsèques ont lieu de préférence l'après-midi, celles-ci ont commencé à réunir une foule de personnes venues pour exprimer l'affection ou l'estime ressentie pour le défunt ou sa famille. L'assistance est fonction de divers facteurs, comme l'âge plus ou moins jeune du défunt, sa considération populaire, le nombre de membres de la famille, si la mort s'est produite dans des circonstances tragiques ou non, s'il était une personne connue, etc.

Le cortège, en principe, se formait dans la maison mortuaire à partir de laquelle on se rendait à l'église, ou alors on allait d'abord au cimetière et, après l'enterrement, à l'église. À d'autres occasions, comme il a été décrit pour la levée du cadavre, un petit cortège composé des parents et des voisins les plus proches se dirigeait vers un endroit convenu du village qui peut varier selon le quartier de départ. À cet endroit les attendaient les autres membres du cortège et le corps ecclésiastique. Cette halte était mise à profit par les gens pour changer d'habits et de chaussures. À partir de là, le cortège commençait ou reprenait solennellement sa marche jusqu'au temple. Certains s'incorporaient au cortège sur le chemin, surtout aux haltes effectuées aux croisements ou au dernier moment au centre du village et à la porte de l'église.

Jadis, la disposition du cortège et l'ordre que chaque élément devait y occuper étaient rigides, mais aujourd'hui la marche du cortège est plus hétérogène, voire même anarchique. Les voisins occupaient souvent une place privilégiée au sein du cortège, jusqu’à précéder parfois les membres de la famille, ou partageaient avec eux la présidence du cortège et, circonstantiellement, là où les consanguins n'étaient pas là, ils s'y substituaient[1]. Telle était leur importance au sein du cortège que dans le village guipuzcoan d'Aduna on disait : Leenbizi auzua, gero, progun tokatzen zaiona (d'abord, le voisin ; puis, celui qui suit dans le deuil)[2].

Dans tout le Pays basque[3], il a souvent existé une distinction entre deux groupes au sein du cortège funèbre. Ceux qui y allaient par « obligation », qui étaient de la maison du défunt ou qui avaient des liens spéciaux avec elle, et ceux qui y allaient par « charité » qui n'appartenaient pas à la maison mortuaire mais qui étaient liés à ses habitants sur une autre strate sociale, la charité chrétienne étant alors le facteur agglutinant.

Autrefois, les confréries et autres associations religieuses à but funéraire ou d'assistance « post mortem » étaient très courantes. Leurs membres désignés pour cela ou les majordomes assistaient au défilé avec leurs bannières et étendards et les autres frères le faisaient en portant cierges ou bougies. Dans certains villages ils portaient aussi le cercueil. Les jeunes et les femmes célibataires étaient intégrées dans des congrégations et des associations religieuses qui remplissaient des fonctions similaires à celles des confréries en accompagnant le cercueil sur tout le parcours qu'effectuait le cortège. Si le défunt était un notable, une autorité civile ou ecclésiastique, il pouvait être accompagné dans son dernier voyage par la fanfare ou la corporation municipale.

Aucune différence digne de mention n'a été recueillie si le défunt était un homme ou une femme. Mais certaines particularités ont été constatées s'il s'agissait de l'enterrement d'enfants. La coutume générale voulait qu'au passage d'un cortège funèbre, les gens s'arrêtent, on ne croise pas un mort, et se signent, aitaren egin, ou récitent une prière. Les hommes se découvraient, gapelua kentzen zuten.

Les voisins ont joué, et en partie continuent à jouer, un rôle plus important à la campagne que dans les villes, dans tous les aspects concernant les actes funèbres eux-mêmes, mais aussi à cause de l'aide qu'ils apportent à la famille touchée pour soulager la situation créée par la perte du défunt.

En ce qui concerne la tenue, le deuil exigé aux membres du deuil, souvent extensible à la plupart des assistants aux actes funèbres, était autrefois rigoureux. Le passage des années a atténué cette exigence et aujourd'hui ce sentiment si répandu d'identifier la douleur à l'apparence extérieure a fortement reculé.

Dans certaines localités, il existait la coutume, qui reste en vigueur, de dire adieu au cercueil au « limes » du village, quand, après la cérémonie religieuse en présence du corps, ce dernier est porté au cimetière pour y être enterré. À un endroit donné, qui correspond souvent à ce qui était la limite d'origine de la localité, une halte est réalisée pour donner le dernier adieu au défunt, après avoir récité quelques prières. Le cadavre, suivi de quelques personnes, est transporté au cimetière et le reste des assistants reviennent au village.

Il est évident qu'autrefois la lumière sous forme de chandelles, de bougies et de cierges constituait un élément essentiel, tant de la levée du cadavre et du cortège que des obsèques. À partir des années soixante et soixante-dix, l'usage de bouquets et de couronnes de fleurs a fait son apparition et s'est généralisé. Bien qu'exceptionnellement elles aient joui d'une certaine tradition dans quelques lieux, le port de fleurs naturelles dans le cortège funèbre est relativement récent. Antan, surtout dans le cas des familles riches, on louait des couronnes faites de fleurs artificielles.


  1. Bonifacio de ECHEGARAY. « La vecindad. Relaciones que engendra en el País Vasco » in RIEV, XXIII (1932) p. 26.
  2. AEF, III (1923) p. 74.
  3. José Miguel de BARANDIARAN. Estelas funerarias del País Vasco. San Sebastián, 1970, p. 35.