XXVI. CROYANCES ET COUTUMES

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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De l'incubation des poules

Autrefois, une grande attention était accordée à la tâche d'élever de nouveaux poulets et poulettes pour remplacer les vieilles poules par des nouvelles et obtenir un bon coq ou, mieux, de savoureux chapons. Mais à en juger par les nombreuses précautions recueillies à propos de l'incubation, ce processus semble avoir été hautement imprévisible.

Quant à choisir le sexe des futurs poulets, c'était une autre affaire. Compte tenu de l'estime dont jouissaient les œufs autrefois, les femelles étaient plus appréciées que les mâles.

À Carranza, pour choisir le sexe des futurs poulets, on sélectionnait les œufs par leur forme : les plus ronds étaient censés donner des poulettes et les plus pointus des poulets.

Nombre impair d'œufs

La croyance selon laquelle le nombre d'œufs qu'on devait mettre à la poule couveuse pour qu'elle les couve devait être impair était très répandue. C'est ce qui a été constaté Urduliz (B), où le nombre d'œufs dépendait de la corpulence de la poule et pouvait aller de sept à quinze ; dans la zone de Gernika (B), il pouvait être de treize ou quinze ; et à Allo (N), de dix-sept, dix-neuf ou vingt-et-un, mais toujours en nombre impair.

De la procréation

Les croyances citées plus haut, recueillies dans la zone de Gernika (B), relatives à l'influence des périodes lunaires sur le sexe des futurs poulets sont équivalentes aux résultats en matière de fécondation, tant au début de la nouvelle lune qu'à la pleine lune, pour toutes les espèces animales. Elles concernent aussi les anomalies de naissance des petits qui peuvent se produire si la fécondation a lieu un « día rebelde » (jour rebelle), autrement dit à la nouvelle lune ou à la pleine lune.

Des changements atmosphériques

L'observation du comportement des animaux et, pour ce qui concerne ce chapitre, des animaux domestiques, a permis aux bergers et aux éleveurs de prédire le temps atmosphérique. Quelques-unes des informations recueillies ici peuvent avoir une justification empirique, mais la plupart semblent de l'ordre des croyances.

Les bergers d'Ataun (G) considéraient que la brebis possédait un instinct raffiné pour connaître à l'avance les variations atmosphériques. Quand en hiver elle secouait et faisait sonner sa cloche, on disait que le lendemain il ferait mauvais temps. Quand ces animaux, dans le parc ou dans le troupeau, se mettaient à jouer, le lendemain serait un jour de vent du sud. Si, en pâturant en montagne, elles tendaient à descendre, un orage s'annonçait ; en revanche si elles montaient, il allait faire beau temps. Las anciens disaient que si la brebis se mettait à manger de l'ajonc le soir, le lendemain il neigerait, tandis que si elle mangeait peu au crépuscule, le lendemain il ferait beau temps[1].

Coutumes liées au deuil

La coutume voulait qu'on respecte le décès d'un parent du berger en rendant muettes les cloches du bétail domestique en signe de deuil.

À Sara (L), on enlevait les sonnailles, les cloches et les grelots au bétail de la maison et on ne les remettait pas tant que le deuil n’était pas terminé. Une seule brebis de celles pâturant en montage portait une cloche. À Hazparne (L) et à Bidarte (L), on les leur enlevait pendant une dizaine de jours.

À Heleta (BN), on retirait les sonnailles aux vaches pendant un an et à Armendaritze (BN) environ six mois. À Izpura (BN) jusqu'au milieu des années quarante, aux vaches et aux brebis pendant un mois.

À Zeanuri, Carranza (B) et Zugarramurdi (N), on enlevait sonnailles et cloches aux animaux domestiques. À Orozko (B), aux brebis et aux vaches ; quand celui qui mourait était le père, on les retirait à toutes les brebis, mais si c'était la mère on en laissait une à un animal, le meilleur. Cette coutume, qui s'est perdue vers les années trente, reste en vigueur comme expression familière ; ainsi, en voyant passer un troupeau sans cloches, il est normal de demander à son propriétaire : « Lutuan daukazuz ala…? » (¿Es que les tienes de luto?)(Este-ce que tu les gardes en deuil?). Une des informatrices signale que voir passer les brebis sans que sonnent les cloches serrait le cœur.

À Bernagoitia (B), si la famille était en deuil et il fallait partir en transhumance, par respect pour le défunt, pendant huit ou dix jours on ne mettait pas de cloches aux brebis ou on les retirait si elles en portaient. Ce n'était pas le cas quand elles étaient à la ferme.

Dans la Sierra de Aralar (G), quand il se produisait un décès dans la famille au cours de l'année, en signe de deuil, les bergers, à la montée et à la descente des troupeaux, leur retiraient les cloches.

Présages et sorcières

À Valcarlos (N), le coq est considéré comme le gardien de la maison qui avertit de la présence de sorcières ; s'il chantait avant minuit, cela signifiait qu'elles rôdaient à proximité. Les gens de la maison se levaient et jetaient trois grains de sel dans le feu avant qu'il ne chante pour la troisième fois ; avec cela ils pouvaient dormir tranquilles. Outre ce remède, ils utilisaient aussi pour les conjurer la formule suivante : « Pues, pues, aparta Satán / berrehun iztapetan! » (Allez, allez, Satan, va-t-en !).

En Aezkoa (N), on croyait que si le coq chantait peu avant minuit, les sorcières rôdaient tout près. Si on disposait d'une chandelle bénite, il fallait l'allumer et jeter du sel dans le feu.

À Bera (N) un fer à cheval était suspendu au-dessus de la mangeoire pour protéger le bétail des maléfices.

Bildots-lorra: l'aide mutuelle

Les bergers étaient solidaires entre eux et cet état d'esprit se traduit par l'institution de l'apport d'un agneau, appelée bildots-lorra (Zeanuri-Gorbea, villages en bordure du massif de l'Oiz, Orozketa-Durango-B ; Valcarlos-N).

Il s'agissait d'une aide que les bergers donnaient à un voisin qui avait manifesté son intention de devenir berger ou que l'on voyait dans le besoin de récupérer le troupeau qu'il avait perdu. Il s'agissait d'un don en forme de remise d'une brebis, généralement jeune. Ainsi, le nouveau berger pouvait constituer son propre troupeau. En échange, il invitait les bergers qui l'avaient aidé à un repas. Des coutumes de ce type comme l'apport de fumier pour l'agriculture sont restées en vigueur jusque vers le milieu du XXe siècle.


  1. Juan de ARIN DORRONSORO. « Notas acerca del pastoreo tradicional de Ataun. II parte » in AEF, XVI (1956) pp. 78-79.