XXIV. LES ABEILLES. ERLEAK

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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L'élevage des abeilles

La pratique d'élever des abeilles était autrefois largement répandue, au point que nombre d'informateurs connaissent cet élevage. Mais certainement les personnes qui n'ont jamais élevé des abeilles s'en méfient beaucoup et leur attribuent une dangerosité excessive.

Dans chaque village, plusieurs personnes avaient des ruches, mais en petit nombre. Elles s'approvisionnaient ainsi en cire et en miel. Rares étaient ceux qui possédaient de grands ruchers et encore moins nombreux ceux qui tiraient un bénéfice financier de leur exploitation.

Les informateurs se souviennent de plusieurs façons de travailler avec ces animaux, qui vont de stades aussi archaïques que la déprédation ou des pratiques comme l'apicide, jusqu'aux processus de production et d'exploitation plus récents, qui sont assez sophistiqués.

Les données ethnographiques relevées dans nos enquêtes actuelles et celles recueillies bibliographiquement permettent d'affirmer, étant double le produit obtenu de l'abeille, le miel et la cire, que la production de cire était plus importante, en raison des obligations de la maison à l'égard des défunts dans le monde traditionnel.

Un détail qui attire l'attention est la façon de désigner l'abeille et l'essaim, et le traitement qui leur est donné en langue basque. Si le terme le plus courant, erlea, se réfère à chaque insecte séparément, ce même mot, au singulier, désigne l'abeille principale, la reine, voire l'ensemble des abeilles de l'essaim, ce qui explique qu'on appelle même erlakumea (litt. élevage d'abeille) la formation d'un nouvel essaim. Il se peut que cet usage soit le même dans des expressions comme recoger una abeja (recueillir une abeille)(Bernedo-A) qui fait référence à tout l'essaim.

Il existe un grand nombre de récits et de formules consacrés aux abeilles en basque qui utilisent le pluriel de respect, zuek, bien qu'il s'agisse d'animaux. Dans les zones hispanophones a aussi été recueillie l'expression gente comme synonyme pour « les abeilles » (Apodaca, Ayala-A).

Quant aux raisons pour lesquelles les abeilles sont traitées dans un chapitre consacré à l'élevage et au pastoralisme, elles sont liées au fait qu'il s'agit d'une pratique d'élevage de plus. Peut-être est-il difficile de le voir ainsi si nous considérons les abeilles comme des individus impossibles à soumettre au même contrôle que les autres animaux domestiques. Mais quand si nous considérons chaque ruche comme un habitacle statique qui peut donc être assimilé à une propriété, surtout si le rucher est situé dans un clos fermé avec murs et toiture, nous pouvons comprendre que cette pratique n'est pas si éloignée de l'élevage d'autres animaux dans une étable ou une grange. Ajoutons-y la nuance que pour un certain nombre d'informateurs l'ensemble d'insectes qui occupe une ruche reçoit précisément le nom de bétail. En outre, par assimilation avec les autres animaux domestiques herbivores, l'activité de butiner le nectar des fleurs est appelée par certains pacer (paître). Et dans une vaste zone des Encartaciones de Bizkaia, curieusement, le même terme de catar est utilisé pour désigner l'activité d'extraire le miel des ruches et celle de traire vaches et brebis.

À la différence de ce qui se passe avec ceux qui se sont consacrés à l'élevage d'autres animaux, aucun nom populaire n'a été recueilli pour ceux qui s'occupent des abeilles. C'est pourquoi, quand, dans ce chapitre, nous parlons d'apiculteurs, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas d'un terme populaire et que ni même celui d'abejero, aujourd'hui légèrement méprisant, n'a jamais été utilisé.

Aujourd'hui la pratique de l'apiculture a reculé mais, comme c'est le cas avec d'autres activités d'élevage, si les apiculteurs sont moins nombreux, le nombre de ruches par exploitation a considérablement augmenté.

Croyances et savoirs sur les abeilles

Autrefois, une coutume répandue voulait que les abeilles soient averties de la mort du maître ou de la maîtresse de maison et, à l'occasion, de celle de tout autre membre de la famille. La personne chargée de les avertir était généralement l'héritier, la veuve ou le veuf, un parent, voire un voisin ou un ami. Cette annonce obéissait principalement à deux raisons. Pour certains, on évitait ainsi la mort du rucher et pour d'autres elles allaient ainsi fabriquer plus de cire pour éclairer la sépulture familiale. Dans ce dernier cas, l'annonce se convertissait en une demande pour qu'elles augmentent la production de cire. La coutume a également été constatée que l'héritier communique simplement aux abeilles le décès du maître en leur garantissant qu'il s'occupera dorénavant de les soigner.

À Larraun (N), quand un membre de la famille décédait, on disait aux abeilles qu'elles devaient produire plus de cire: «Alkoa il da ta egin zazu argezari geiago! Azkar, azkar!» (Se ha muerto tal y ¡venga!, a hacer más cera) (Un tel est mort, allez ! faites de la cire) (¡Rápido, rápido!) (Vite, vite !). Ceci-ci était lié à la nécessité de disposer de cire pour les cierges à l'église.

En Vasconia continentale, quand le maître ou la maîtresse de maison mourait, il fallait les avertir.

Autrefois, ces insectes inspiraient un profond respect. À Carranza (B), les connaisseurs les plus vieux signalent qu'autrefois ce respect était tel que dans des temps très anciens on coupait le bras à qui avait tué un essaim. Quelques vestiges de ce respect sont encore perceptibles chez les personnes très âgées, qui ne tuaient jamais les abeilles. À Apellániz (A), on disait qu'autrefois on coupait le bras droit à qui cataba (vidait) ou volait une ruche. À Zuya (A), ils signalent que tuer un de ces petits animaux était un péché.

Quant au fait généralisé que l'apiculteur, en dépit de travailler souvent sans protection, ne reçoit pas beaucoup de piqûres, dans la Ribera Alta (A) les informateurs affirment que cela est dû à ce que les abeilles en arrivent à connaître le propriétaire et qu'elles ne l'attaquent pas. À Apodaca (A), l'apiculteur traditionnel utilise à peine le masque dans son rucher car elles le connaissent bien ; il ne l'utilise qu'au moment de goûter.

En ce qui concerne les piqûres causées par ces insectes, une fois qu'on en a reçu une il s'agit de retirer l'aiguillon, réspere, s'il est resté accroché à la peau. À Carranza, antan, après cette première opération, on appliquait un cataplasme d'argile ou de terre humide sur la zone touchée pour calmer la douleur et prévenir l'inflammation. Au bout d'un moment, on lavait le tout et on huilait la zone. Il était aussi conseillé de frotter la piqûre avec trois feuilles ou herbes différentes, peu importe lesquelles, mais il fallait qu'elles soient différentes. La douleur se calmait aussi avec de la fumée. Ces dernières années, l'habitude s'est répandue d'imbiber la peau avec de l'ammoniaque.