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== La malédiction, biraoa, comme cause de maladie ==
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Dans tout le territoire de Vasconia, ainsi qu'en dehors de lui, il a toujours existé des croyances, qui parfois perdurent, qui attribuent à certains sortilèges et maléfices la capacité de provoquer des maladies et d'autres maux. On disait des personnes qui avaient le pouvoir de faire du mal avec des enchantements et sortilèges ou avec des actes intentionnels que “tenían maleficio” (qu'elles avaient un maléfice) (Améscoa-N). Si nous laissons de côté quelques cas exceptionnels comme sont ceux liés à la sorcellerie, il était autrefois commun d'attribuer une efficacité maligne à la malédiction lancée contre une personne considérée ennemie. Nombreux étaient ceux qui vivaient dans la crainte de faire l'objet d'un mauvais sort.
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=== Dénominations ===
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La malédiction reçoit aussi le nom de ''malquerer'' (mauvais vouloir)(Agurain, Bernedo-A) et il s'agit d'un acte intentionnel qui sort non seulement de la bouche mais aussi du désir ou du cœur. Barandiaran a recueilli à Donoztiri (BN) la croyance selon laquelle le biraoa introduisait dans le corps de celui qui était visé certains esprits maléfiques appelés gaixtoak, malins.
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Une croyance répandue voulait que dans la journée il y ait un moment où la malédiction devient efficace (Liginaga-Z, Oiartzun-G). Dans certains villages, ils disaient que ce moment se produisait à midi. Azkue précise que la malédiction qui est lancée à midi est généralement efficace, mais, pour cela, il faut que celui qui la jette ne sache pas l'heure (Lekeitio-B, Oiartzun-G)<ref>Resurrección Mª de AZKUE. ''Euskalerriaren Yakintza. ''Tome I. Madrid : 1935-1947, p. 127.</ref>.
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La malédiction peut être réalisée au moyen d'imprécations, de gestes ou de symboles<ref>José Miguel de BARANDIARAN. ''Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas.'' Tome I. Bilbao : 1972</ref>. À Lekeitio (B), les femmes jeteuses de sort, pour donner plus de force à leurs malédictions, avaient pour habitude de les prononcer en regardant le Calvaire, sommet dont le nom traditionnel est Lumentxa, et sur les genoux nus<ref>Resurrección Mª de AZKUE. ''Euskalerriaren Yakintza. ''Tome I. Madrid : 1935-1947, pp. 127-128.</ref>. Pour qu'elles soient plus efficaces, certaines s'agenouillaient, traçaient une croix sur le sol et l'embrassaient<ref>Mot ''sakre'' in José Miguel de BARANDIARAN. ''Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas.'' Tome I. Bilbao : 1972.</ref>.
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La malédiction pouvait être proférée par une personne ennemie d'une autre, mais, dans les milieux populaires, comme l'ont recueilli nos enquêtes, les malédictions les plus craintes étaient celles qui provenaient des gitans et des mendiants.
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== Le mauvais œil, begizkoa, et ses effets sur la santé ==
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Selon une croyance en d'autres temps très répandue, certaines personnes projettent avec leur regard une énergie mystérieuse qui peut nuire à d'autres personnes, voire même aux animaux. Barandiaran recueille dans son Dictionnaire de Mythologie<ref>Mot ''betadur ''(''adur'': force magique dans les yeux) in José Miguel de BARANDIARAN. ''Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas.'' Tome I. Bilbao : 1972.</ref> le terme betadurra employé en basque pour désigner cette énergie. Littéralement, il s'agit d'une force (adur) oculaire (begi>bet) qui renvoie à la fascination que le jeteur de sort cause en posant son regard sur l'objet. Jusqu'à il y a quelques décennies, il existait chez les gens du peuple une authentique peur de l'interférence de ces forces non maîtrisées sur la santé.
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=== Symptômes ===
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Dans nombre de nos enquêtes, il a été constaté que le pleur intempestif et excessif des enfants était attribué à une malédiction ou au mauvais œil. De même, l’état de santé délicat d'un enfant était considéré comme la conséquence du begizkoa provoqué par quelqu'un lui voulant du mal (Bernedo-A ; Abadiano, Bermeo, Durango, Nabarniz, Orozko-B ; Arrasate, Bidegoian, Elgoibar, Zerain-G).
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Il n'était pas aisé de reconnaître les symptômes du mauvais œil ; il était difficile à diagnostiquer et très craint par la population, surtout s'il frappait les petits enfants. L'effet le plus remarquable du begizkoa était que les enfants maigrissaient étrangement sans qu'on puisse se l'expliquer.
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Les informateurs de Zerain (G) se souviennent de ces symptômes du begizkoa : manque d'intérêt pour tout et une tristesse générale, perte d'appétit et peu à peu un manque de vie qui pouvait conduire à la mort. Les informateurs d'Orozko (B) et de Bidegoian (G) signalent que le mauvais œil peut provoquer une maladie, voire même la mort et ceux de Busturia (B) que si un enfant en est victime il peut rester invalide.
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Barandiaran signale qu'en Vasconia continentale, la maladie due au begizkoa est appelée ''xarmazionea''. Selon ce même auteur, quand un malade est plongé dans une tristesse et un accablement continu, s'il est somnolent, s'il ressent des nausées ou un manque d'appétit, s'il ne trouve aucun plaisir aux divertissements, s'affaiblit, maigrit et, en général, s'il souffre longtemps d'une maladie interne, on dit que quelqu'un lui a jeté le ''begizkoa''<ref>Mot ''begizko ''in José Miguel de BARANDIARAN. ''Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas.'' Tome I. Bilbao : 1972.</ref>.
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=== Remèdes protecteurs ===
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Le mauvais œil, surtout celui qui concerne les enfants, a été une préoccupation constante pour les mères. Les moyens de protection, les rites et les formules qui étaient utilisés autrefois pour se protéger de ce maléfice étaient divers.
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''Kutuna. Evangelios''
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La protection la plus commune contre le mauvais œil était le ''kutun'', qui était considéré comme un talisman efficace. En d'autres temps cette amulette était indispensable dans l'habillement des enfants ; sur les nouveau-nés elle était accrochée avec une épingle de nourrice dans les plis du lange qui les enveloppaient, ou suspendue à leur cou ; quand ils grandissaient, elle était cousue sur le linge intérieur.
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Les personnes âgées portaient aussi des kutunes.
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Les kutunes étaient confectionnés par les religieuses cloîtrées et présentaient une grande diversité. Il existait pourtant un modèle courant qui consistait en un petit sachet carré de 2 x 2 ou 3 x 3 cm avec un rabat en forte toile ou en basane claire ; à l'intérieur deux petits carrés joints, doublés d'une toile grossière ou de lainage fin, qui contenaient un morceau de papier où étaient écrits les premiers mots de l'Évangile selon saint Jean. Ce sachet était généralement brodé ou peint à la main avec des fleurs, des motifs religieux, les initiales de l'enfant, etc. Le rabat était fermé avec un bouton et il comportait pour le suspendre une patte ou un cordon.
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Celui appelé Évangile était un peu plus grand : de 5,5 x 4 cm et il renfermait des feuillets pliés pour former un petit livre avec le texte initial des quatre évangélistes en latin (Zerain, Elgoibar-G).
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Revisión del 09:01 1 jul 2019

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La malédiction, biraoa, comme cause de maladie

Dans tout le territoire de Vasconia, ainsi qu'en dehors de lui, il a toujours existé des croyances, qui parfois perdurent, qui attribuent à certains sortilèges et maléfices la capacité de provoquer des maladies et d'autres maux. On disait des personnes qui avaient le pouvoir de faire du mal avec des enchantements et sortilèges ou avec des actes intentionnels que “tenían maleficio” (qu'elles avaient un maléfice) (Améscoa-N). Si nous laissons de côté quelques cas exceptionnels comme sont ceux liés à la sorcellerie, il était autrefois commun d'attribuer une efficacité maligne à la malédiction lancée contre une personne considérée ennemie. Nombreux étaient ceux qui vivaient dans la crainte de faire l'objet d'un mauvais sort.

Dénominations

La malédiction reçoit aussi le nom de malquerer (mauvais vouloir)(Agurain, Bernedo-A) et il s'agit d'un acte intentionnel qui sort non seulement de la bouche mais aussi du désir ou du cœur. Barandiaran a recueilli à Donoztiri (BN) la croyance selon laquelle le biraoa introduisait dans le corps de celui qui était visé certains esprits maléfiques appelés gaixtoak, malins.

Une croyance répandue voulait que dans la journée il y ait un moment où la malédiction devient efficace (Liginaga-Z, Oiartzun-G). Dans certains villages, ils disaient que ce moment se produisait à midi. Azkue précise que la malédiction qui est lancée à midi est généralement efficace, mais, pour cela, il faut que celui qui la jette ne sache pas l'heure (Lekeitio-B, Oiartzun-G)[1].

La malédiction peut être réalisée au moyen d'imprécations, de gestes ou de symboles[2]. À Lekeitio (B), les femmes jeteuses de sort, pour donner plus de force à leurs malédictions, avaient pour habitude de les prononcer en regardant le Calvaire, sommet dont le nom traditionnel est Lumentxa, et sur les genoux nus[3]. Pour qu'elles soient plus efficaces, certaines s'agenouillaient, traçaient une croix sur le sol et l'embrassaient[4].

La malédiction pouvait être proférée par une personne ennemie d'une autre, mais, dans les milieux populaires, comme l'ont recueilli nos enquêtes, les malédictions les plus craintes étaient celles qui provenaient des gitans et des mendiants.

Le mauvais œil, begizkoa, et ses effets sur la santé

Selon une croyance en d'autres temps très répandue, certaines personnes projettent avec leur regard une énergie mystérieuse qui peut nuire à d'autres personnes, voire même aux animaux. Barandiaran recueille dans son Dictionnaire de Mythologie[5] le terme betadurra employé en basque pour désigner cette énergie. Littéralement, il s'agit d'une force (adur) oculaire (begi>bet) qui renvoie à la fascination que le jeteur de sort cause en posant son regard sur l'objet. Jusqu'à il y a quelques décennies, il existait chez les gens du peuple une authentique peur de l'interférence de ces forces non maîtrisées sur la santé.

Symptômes

Dans nombre de nos enquêtes, il a été constaté que le pleur intempestif et excessif des enfants était attribué à une malédiction ou au mauvais œil. De même, l’état de santé délicat d'un enfant était considéré comme la conséquence du begizkoa provoqué par quelqu'un lui voulant du mal (Bernedo-A ; Abadiano, Bermeo, Durango, Nabarniz, Orozko-B ; Arrasate, Bidegoian, Elgoibar, Zerain-G).

Il n'était pas aisé de reconnaître les symptômes du mauvais œil ; il était difficile à diagnostiquer et très craint par la population, surtout s'il frappait les petits enfants. L'effet le plus remarquable du begizkoa était que les enfants maigrissaient étrangement sans qu'on puisse se l'expliquer.

Les informateurs de Zerain (G) se souviennent de ces symptômes du begizkoa : manque d'intérêt pour tout et une tristesse générale, perte d'appétit et peu à peu un manque de vie qui pouvait conduire à la mort. Les informateurs d'Orozko (B) et de Bidegoian (G) signalent que le mauvais œil peut provoquer une maladie, voire même la mort et ceux de Busturia (B) que si un enfant en est victime il peut rester invalide.

Barandiaran signale qu'en Vasconia continentale, la maladie due au begizkoa est appelée xarmazionea. Selon ce même auteur, quand un malade est plongé dans une tristesse et un accablement continu, s'il est somnolent, s'il ressent des nausées ou un manque d'appétit, s'il ne trouve aucun plaisir aux divertissements, s'affaiblit, maigrit et, en général, s'il souffre longtemps d'une maladie interne, on dit que quelqu'un lui a jeté le begizkoa[6].

Remèdes protecteurs

Le mauvais œil, surtout celui qui concerne les enfants, a été une préoccupation constante pour les mères. Les moyens de protection, les rites et les formules qui étaient utilisés autrefois pour se protéger de ce maléfice étaient divers.

Kutuna. Evangelios

La protection la plus commune contre le mauvais œil était le kutun, qui était considéré comme un talisman efficace. En d'autres temps cette amulette était indispensable dans l'habillement des enfants ; sur les nouveau-nés elle était accrochée avec une épingle de nourrice dans les plis du lange qui les enveloppaient, ou suspendue à leur cou ; quand ils grandissaient, elle était cousue sur le linge intérieur.

Les personnes âgées portaient aussi des kutunes.

Les kutunes étaient confectionnés par les religieuses cloîtrées et présentaient une grande diversité. Il existait pourtant un modèle courant qui consistait en un petit sachet carré de 2 x 2 ou 3 x 3 cm avec un rabat en forte toile ou en basane claire ; à l'intérieur deux petits carrés joints, doublés d'une toile grossière ou de lainage fin, qui contenaient un morceau de papier où étaient écrits les premiers mots de l'Évangile selon saint Jean. Ce sachet était généralement brodé ou peint à la main avec des fleurs, des motifs religieux, les initiales de l'enfant, etc. Le rabat était fermé avec un bouton et il comportait pour le suspendre une patte ou un cordon.

Celui appelé Évangile était un peu plus grand : de 5,5 x 4 cm et il renfermait des feuillets pliés pour former un petit livre avec le texte initial des quatre évangélistes en latin (Zerain, Elgoibar-G).


  1. Resurrección Mª de AZKUE. Euskalerriaren Yakintza. Tome I. Madrid : 1935-1947, p. 127.
  2. José Miguel de BARANDIARAN. Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas. Tome I. Bilbao : 1972
  3. Resurrección Mª de AZKUE. Euskalerriaren Yakintza. Tome I. Madrid : 1935-1947, pp. 127-128.
  4. Mot sakre in José Miguel de BARANDIARAN. Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas. Tome I. Bilbao : 1972.
  5. Mot betadur (adur: force magique dans les yeux) in José Miguel de BARANDIARAN. Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas. Tome I. Bilbao : 1972.
  6. Mot begizko in José Miguel de BARANDIARAN. Diccionario Ilustrado de Mitología Vasca. Obras Completas. Tome I. Bilbao : 1972.