I. SANTÉ ET MENTALITÉ POPULAIRE

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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Ce premier chapitre se propose de répondre aux questions initialement posées par l'enquête Etniker pour tout ce qui touche aux maladies et à la médecine ; ces questions ont pour objet d’explorer la mentalité populaire à travers l'interprétation qui est donnée à certains traits anatomiques ou à l'influence que l'atmosphère, l'alimentation et l'habillement ont sur la santé. Elles se penchent aussi sur les connaissances populaires en matière de symptômes annonciateurs de la maladie, les causes que la provoquent, les signes qui indiquent la convalescence et les moyens de préserver la santé.

Les résultats obtenus n'ont pas été exactement ceux recherchés quand l'enquête a été élaborée, car, au cours de ces dernières décennies, la perception qu'avaient autrefois les gens du corps humain, ainsi que de la santé et de la maladie a considérablement évolué. Toutefois, il reste encore possible de recueillir des informations issues d'une culture antérieure qui se voit peu à peu reléguée par l'empirisme qui caractérise la mentalité actuelle.

Le corps

La connaissance que populairement les gens ont du corps humain naît, bien évidemment, de son observation ; mais cet examen est nécessairement superficiel, tout ce qui se loge sous la peau étant d'un accès difficile. Ce problème a été résolu dans une certaine mesure par la palpation à partir de laquelle les rebouteux ont su obtenir de précieuses informations. Une autre source de connaissances, par analogie, est celle que constitue l'abattage des animaux domestiques, et surtout celui du cochon. Une bonne part de ce que l'on connaît populairement sur l'anatomie, sur les organes internes et sur leur disposition, est le fruit de l’observation des assistants pendant l'évidement et la découpe des animaux abattus.

Tempéraments, jenioak, izakerak

Dans les localités étudiées, on classe les tempéraments en deux grands groupes : les tempéraments tranquilles et les tempéraments nerveux. À Donoztiri (BN) le premier d'entre eux correspond aux personnes modérées, d'esprit paisible et d'humeur égale, dont on dit “odol ezkia dik horrek” (celui-là, il a le sang tiède); l'autre correspond au type de la personne facilement irascible, dont on dit “kexua dek hori” (celui-là, il est nerveux).

L'influence environnementale

De façon générale, les gens considèrent que le milieu qui nous entoure exerce une influence sur l'état de santé corporel ; une certaine importance est reconnue au climat et l'influence des chaleurs estivales et des froids hivernaux est évident, sans oublier le rôle des vents. De même, les gens tiennent compte de l'effet que les changements de saison et la lune ont sur la santé.

Le climat

Les informateurs ont mentionné l'influence que les phénomènes atmosphériques exercent sur la santé ; ainsi, ils soulignent la bonté de la pluie, de la neige et des gelées en hiver ; ils attirent l'attention sur les préjudices d'un excès d'humidité ou ils considèrent que le vent du Nord, ipar-haizea, est plus sain que l’étouffante chaleur causée par le vent du Sud.

Les changements de saison et les phases de la lune

La croyance populaire veut que les changements de saison, et particulièrement l'arrivée du printemps et de l'automne, exercent une certaine influence sur la santé et voit une relation entre eux et les problèmes gastriques, surtout l'ulcère, et avec les rhumes. De même, l'arrivée du printemps est associée à l'aggravation des maladies de la peau. Mais le principal impact de ce changement de saison, selon nos informateurs, s'exerce sur le sang et sur toutes les maladies qui lui sont associées.

L'habillement. Jantzi osasungarriak eta kaltegarriak

Les informateurs considèrent que les vêtements tissés avec des produits naturels sont plus appropriés pour la santé corporelle que ceux obtenus à partir de fibres synthétiques.

Ils soulignent l'estime dont bénéficiait antan la toile de lin, car les vêtements confectionnés avec cette fibre végétale évitaient que le corps change brusquement de température (Zerain-G).

Dénomination des maladies

Au dire de nos informateurs, dans les premières décennies du XXe siècle et même plus tard, de façon générale, les gens du village identifiaient les maladies comme des indispositions, miñak, et comme des maladies, gaitzak.

Quand le mal était interne et aigu, il recevait le nom de colique. Ainsi, on parlait de coliques du rein, du foie, ainsi que de la colique dite miserere[1] qui englobait plusieurs maux de ventre, tous graves, dont l'occlusion intestinale.

Épidémies. Izurriak

Quand une maladie contagieuse prenait la forme d'une épidémie dans une localité ou une zone, son impact sur la vie sociale était extraordinaire. Parmi les gens du village, le souvenir de certaines de ces épidémies qui se sont produites il y a quatre-vingt ou cents ans, est resté vivace. Deux d'entre elles sont particulièrement présentes dans la mémoire selon nos informateurs : l'épidémie de choléra morbus de 1885 et la grippe de 1918.

Quarantaines et isolement des malades

Face aux maladies contagieuses et pour que celles-ci ne se répandent pas, le remède général et urgent était l'isolement du malade. En cas d'épidémie ou de peste, l'isolement des malades avait lieu dans des lazarets ou à l'hôpital ; dans d'autres cas, des mesures de quarantaine étaient imposées au domicile du malade.

Transitions contemporaines

Parmi les transitions survenues en matière de santé domestique tout le long du XXe siècle et que les informateurs signalent comme étant les plus significatives, il convient de mentionner la hausse du niveau de vie qui entraîne l'amélioration des conditions d'hygiène, la diffusion de la culture médicale qui parvient à tous les foyers grâce aux médias et à l'accès aux prestations qu'offre le système public de santé.

Hygiène domestique et alimentaire

Les adductions d'eau courante et les réseaux d'assainissement qui ont été mis en place dans tous les villages du territoire étudié ont contribué à améliorer l'hygiène grâce à l'installation d'eau chaude, de toilettes et de salles de bain, progrès des plus significatifs dans la vie quotidienne pour prévenir de nombreuses maladies. De même, l'arrivée de l'électricité dans les zones rurales a débouché sur la prolifération des lave-linge, réfrigérateurs et autres appareils électroménagers qui contribuent à un bien-être bénéfique pour la santé. Le chauffage pour combattre le froid est un autre facteur positif qui évite de contracter des maladies.

La Sécurité Sociale

Avec la généralisation de la Sécurité Sociale, l'attention sanitaire et la médication ont ostensiblement progressé. D’un ou deux médecins généralistes, certaines localités sont passées au centre de soins comportant diverses spécialités : pédiatrie, laboratoire d'analyses, physiothérapie, etc. Les admissions à l'hôpital ou à la clinique, et surtout les accouchements hospitaliers, se sont généralisées. De nouvelles spécialisations (masseurs, hygiénistes...) sont apparues qui ont déplacé les moyens de traitement traditionnels. Aujourd'hui, il est courant de se rendre au centre médical pour tout problème de santé.

Médecine préventive

Par ailleurs, la médecine préventive est en plein essor, et nombreux sont ceux qui essaient de se maintenir en forme pour ne pas tomber malades.

Dans de nombreuses entreprises, les salariés font l'objet d'un examen médical annuel.

Les personnes âgées se font régulièrement mesurer la tension artérielle et le niveau de cholestérol. De même, elles participent aux campagnes de vaccination antigrippale au début de la période hivernale et les femmes se soumettent aux campagnes de prévention du cancer du sein qu'organise le système public de santé. Les enfants reçoivent les vaccins recommandés par le pédiatre et les gens vont voir le spécialiste correspondant dès qu'une lésion ou une malformation est décelée.


  1. Ce nom est dû à son caractère fulminant ; en effet Miserere (Aie pitié) est le mot initial du psaume 50 qui était chanté aux enterrements, autrement dit, pendant la conduite du cadavre à l'église.