XVI. FRACTURES ET LUXATIONS

De Atlas Etnográfico de Vasconia
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Les informateurs ne font généralement pas de différence entre les divers os, les muscles ou les articulations qui composent le corps humain car ils ne les distinguent pas en tant qu'unités anatomiques. Il s'ensuit qu'ils n'ont habituellement pas de nom pour elles.

On a recours à des dénominations génériques comme carne en espagnol ou haragiak en basque (Bermeo-B) pour désigner les masses musculaires humaines. À Bermeo ils utilisent ce terme en opposition à okelea, viande, qui s'emploie pour nommer les viandes animales pour la consommation humaine.

Dans cette même localité biscayenne uniquement dans le cas des os on recueille certaines dénominations populaires. Hazurrak est le terme employé pour les désigner. La moelle osseuse est appelée hazurreko une ; le crâne, kalaberea ou karabelea ; et la colonne vertébrale, lepoko bizkerra, bizkarreko hazurra, bizkazurra, errosarioa et espiñazoa.

Les fractures osseuses

Les fractures, généralement d'origine traumatique, sont traitées ces derniers temps par le personnel de santé. Mais certains remèdes populaires sont connus depuis toujours pour recomposer les os et, comme nous allons le voir plus avant, il a souvent été fait appel à des rebouteux spécialistes de ces problèmes.

La plupart des remèdes font référence à la pose d'une attelle sur l'os fracturé. Mais divers traitements préalables à cette opération ont été recueillis, qui dans quelques cas semblent être les seuls, c'est-à-dire, qu'il n'y avait pas de pose d'attelle ensuite.

Les rebouteux, hezur-konpontzaileak

Les rebouteux qui se chargeaient de réduire les fractures et de guérir les luxations ont été des personnages bien connus dans la majeure partie du territoire étudié. Chaque village ou chaque zone avait le sien auquel avaient recours les patients des localités environnantes. Certains étaient si réputés que les patients venaient de très loin. N'oublions pas non plus qu'il était habituel que les guérisseurs appartiennent à une lignée familiale et que certains d'entre eux commençaient à se former à ces tâches en recomposant les os du bétail pour passer ensuite à ceux des personnes.

Foulures, zaintiratuak, et luxations, bihurdurak

Au niveau populaire aucune différence claire n'est faite entre la foulure, l'entorse ou le claquage d'un côté et la luxation ou la dislocation de l'autre. De fait, plusieurs de ces termes se sont introduits dans le langage populaire ces derniers temps à force de les entendre au personnel de santé et dans les médias.

Remèdes pour les entorses

À Agurain (A) pour soigner les entorses et les contusions on prépare une décoction de feuilles de noyer. Après avoir fait bouillir de l'eau avec les feuilles, on introduit la partie endolorie dans ce liquide le plus chaud possible et on l'y maintient pendant un quart d'heure environ.

À Goizueta (N), pour l'entorse, biurritzea, au pied il fallait appliquer de la chaleur sur la zone touchée. On chauffait de la farine de maïs dans une poêle jusqu'à ce qu'elle dore et ensuite on l'introduisait dans une poche qui était appliquée sur l'entorse. Entretemps on préparait une autre poche pour remplacer la première quand elle refroidissait.

Annexe : zantiratua

Zantiratua est une pratique populaire qui présente trois composantes : une, empirique, consiste en frictions et frottements d' huile qui sont exécutés avec les doigts dans la zone touchée ; une autre, d'ordre magique, qui symbolise le renouage par la couture d'un linge et une troisième, de nature religieuse, qui fait référence aux prières qui sont récitées pendant la pratique et aux signes de croix qui sont faits sur la lésion.

Cette pratique est utilisée fondamentalement pour les claquages du genou et du poignet, mais parfois aussi pour le torticolis. À en juger par les lieux où elle a été enregistrée il semble s'agir d'une pratique biscayenne. Un des foyers de cette coutume a été justement les villages de Gernika, Ajangiz, Maruri, Gerrikaiz et Bedia[1]. Cette pratique reçoit le nom de zantiretua / zantiritua à Abadiano, Bermeo, Busturia, Durango, Gorozika (B) et de zanatena à Lemoiz (B).

En basque, le terme zain a le sens de nerf, veine ou racine et le mot signifie donc étirement du nerf ou de la veine, en consonance avec plusieurs traitements, puisque les phrases prononcées et les gestes réalisés devant le malade indiquent que telle était l'idée que l'on se faisait de la pathologie de la lésion[2].

Cette pratique présente quelques constantes comme le fait d'être réalisée par des femmes. Dans les différents villages où elle a été recueillie se répète également l'usage d'une plante qui reçoit le nom de zanbedarra (littéralement herbe à tendon). En réalité il s'agit d' au minimum deux espèces appartenant au genre Plantago, qui se caractérisent par leurs feuilles lancéolées au revers desquelles sont clairement visibles des nervures qui vont en parallèle de la base à la pointe. Il se peut que tant leur nom que leur application curative soient liés à cette similitude entre leurs nervures et les veines et les tendons qui parcourent les extrémités humaines.

Selon Barriola, si à la suite d'un exercice violent ou pour tout autre motif une douleur musculaire apparaissait, le guérisseur diagnostiquait une déchirure, zaintiratua, ou une désinsertion du tendon, zanetena. Il semblerait logique de penser qu'une telle déchirure pouvait se réparer en donnant quelques points pour réunir les parties séparées. Mais comme cette opération était impossible à effectuer directement sur le propre tendon ou le muscle, grâce à la magie de similitude, il suffisait de la réaliser sur un tissu quelconque placé sur la lésion. Ainsi, le zaintiratua se soignait en donnant des points avec une aiguille et un fil non noué, avec laquelle on traversait plusieurs fois un tissu, ou mieux une chaussette, et non seulement pour traiter la jambe ou le pied, mais aussi en cas de torticolis, pendant que le guérisseur récitait :

Zain tiratu zain urratu
zaña bere tokian sartu.
(Tendon étiré/ tendon déchiré/ le tendon rentre à sa place).

L'opération se terminait en récitant normalement un Notre Père, un Ave María ou un Credo, selon les lieux, et en couvrant le membre avec le même linge, après une friction, ou avec du plantain, zainbedarra, imbibé d'huile. Dans le cas du torticolis, en traversant la toile avec l'aiguille on parvenait à dénouer le nœud qui se s'était formé, plutôt que “coudre” la distension[3].


  1. Jose Miguel de BARANDIARAN. Mitología vasca. Madrid : 1960, p. 44.
  2. Angel GOIKOETXEA. Capítulos de la medicina popular vasca. Salamanca : 1983, p. 104.
  3. Ignacio Mª BARRIOLA. La medicina popular en el País Vasco. San Sebastián : 1952, pp. 85-86